Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 46.djvu/425

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vos desseins, un très grand nombre d’instituteurs capables d’être les exécuteurs d’un plan qui a pour but la régénération de l’entendement humain.

« Dans ces écoles, ce n’est pas la science qu’on apprendra, mais l’art de les enseigner ; au sortir de ces écoles, les disciples ne devront pas seulement être des hommes instruits, mais des hommes capables d’instruire. Pour la première fois sur la terre, la nature, la vérité, la raison et la philosophie vont donc avoir un séminaire ; pour la première fois, les hommes les plus éminens en tout genre de sciences et de talens vont être les premiers maîtres d’école d’un peuple ; car vous ne ferez entrer dans les classes de ces écoles que les hommes qui y sont appelés par l’éclat incontesté de leur renommée dans l’Europe.

« Et nous vous proposons d’appc4er de toutes les parties de la république, autour de ces grands maîtres, des citoyens désignés par les autorités constituées. Déjà pleins d’amour pour la science qu’ils posséderont,.. leurs progrès dans les arts qu’ils étudieront auront une rapidité qui ne peut être ni prévue, ni calculée. Aussitôt que seront terminés à Paris ces cours de l’art d’enseigner les connaissances humaines, la jeunesse savante et philosophique qui aura reçu ces grandes leçons ira les répéter à son tour dans toutes les parties de la république, elle ouvrira partout des écoles normales… Aux Pyrénées et aux Alpes, l’art d’enseigner sera le même qu’à Paris, et cet art sera celui de la nature et du génie. La raison humaine, cultivée partout avec une industrie également éclairée, produira partout les mêmes résultats, et ces résultats seront la récréation de l’entendement humain chez un peuple qui va devenir l’exemple et le modèle du monde. »

C’était beaucoup dire, et la nouvelle institution eût peut-être gagné à être présentée d’une façon plus modeste ; elle eût surtout beaucoup mieux réussi, si des visées moins ambitieuses et des vues plus pratiques avaient présidé à son organisation. Transporter à Paris, en pleine effervescence révolutionnaire, mille quatre cents jeunes gens de toute provenance et de tout âge, sans s’être au préalable assuré de leurs aptitudes et de leurs dispositions, sans leur avoir fait subir un examen sérieux, était déjà bien scabreux. On fit plus : au lieu de prendre ces jeunes gens, tout frais débarqués dans la capitale, partant plus exposés que d’autres, et de les caserner ou du moins de les soumettre à des règlemens d’études très sévères, on les abandonna à eux-mêmes ; on ne les astreignît à aucune assiduité. Ils furent libres de suivre ou de ne pas suivre les cours. Naturellement beaucoup en abusèrent, et l’école, au lieu d’élèves, ne compta bientôt plus que quelques auditeurs de bonne volonté.

La plupart de ces cours, au surplus, n’étaient guère faits pour