Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 46.djvu/417

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lante et qu’elle exigeait d’ailleurs peu d’études, il n’est pas d’historien qui ne s’y soit étendu. Le reste, c’est-à-dire l’organisation même de l’enseignement, était plus ardu, plus obscur et, pour tout dire, moins à l’honneur de la révolution ; on l’a négligé contre tout droit ; nous tâcherons de rétablir la proportion.

Le décret du 29 frimaire an II. — Le premier acte législatif se rapportant à l’instruction publique qui ait reçu un commencement d’exécution et qui mérite à ce titre de figurer parmi les œuvres est un décret du 29 frimaire an II. La convention venait, on l’a vu, de se déjuger à quelques semaines de distance ; après avoir adopté le projet de la commission des neuf, elle en avait prescrit la révision et elle en avait chargé, concurremment avec le comité d’instruction publique qui rentre alors en scène, une nouvelle commission de six membres désignés par le comité de salut public.

Cette commission ne s’était pas contentée de revoir l’ancien projet ; un de ses membres, Bouquier, en avait fait un tout différent. Le comité d’instruction publique, au contraire, se prononçait pour le maintien du décret légèrement modifié ; il en avait même désigné l’auteur, Romme, comme rapporteur. C’est dans ces conditions que s’engagea le débat, un des plus intéressans et des plus sérieux qui eût encore eu lieu. Cette fois, en effet, ce n’étaient pas seulement deux projets plus ou moins discutables qui sollicitaient les suffrages de la convention ; c’étaient deux écoles, deux principes qui allaient se rencontrer : d’un côté, les partisans du monopole et de l’omnipotence de l’état en matière d’instruction publique ; de l’autre, les défenseurs de la liberté de conscience et d’enseignement. Le projet de Bouquier débutait par cette déclaration : « L’enseignement est libre » et ne contenait aucune disposition restrictive touchant les ecclésiastiques, les ci-devant nobles et les ci-devant religieux ou religieuses. Il ouvrait la carrière de l’enseignement à toutes personnes munies d’un certificat de civisme et de bonnes mœurs, sans même exiger d’elles aucune condition de capacité. Première et radicale différence entre les deux projets. En ce qui concerne l’enseignement, la disparate n’était pas moins accusée. Autant le programme de Somme était compliqué, autant celui de Bouquier était simple : lire, écrire et compter, son étendue n’allait pas au-delà de ces trois objets. Enfin, quant à la rétribution des instituteurs, le mode adopté par la nouvelle commission n’avait aucun rapport avec celui qui avait été proposé par l’ancienne. Au lieu du traitement minimum de 1,000 livres pour les instituteurs et d’un cinquième en moins pour les institutrices, pouvant ; aller, dans les grands centres jusqu’à 2,400 livres, le projet de la commission des six disposait ainsi : « Les instituteurs et les institutrices qui