Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 46.djvu/412

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

charbonnier ; il lui manque en outre de vastes emplacemens où l’on puisse manutentionner sur des terrains sans valeur des marchandises lourdes et encombrantes et installer des appareils de chargement et de déchargement comme on en voit dans tous les ports houillers de l’Angleterre. Ce port spécial ne peut être qu’Aigues-Mortes, le point du littoral le plus, rapproché de nos bassins minéralogiques du Gard et qui pourra recevoir aussi facilement tous les produits de la Loire lorsque le rachat si vivement demandé du canal de Beaucaire permettra d’y conduire la batellerie du Rhône. Ce canal viendra aboutir à Cette qui est déjà le port d’arrivage des minerais, dont le tonnage a augmenté d’une manière si rapide depuis quelques années, et qui sera toujours le grand port du Languedoc et de toute la rive droite du Rhône.

Ce n’est pas davantage Marseille, dont la rade est ouverte de tous côtés, qui peut, au jour du danger, offrir un asile inviolable et une protection absolue à tout le matériel de notre marine marchande et des marines étrangères qu’une brusque déclaration de guerre surprendrait dans nos eaux. Ce refuge ne peut être qu’un bassin complètement fermé et situé à une distance de la mer que ne puissent franchir les projectiles ennemis. L’étang de Berre seul présente une sécurité parfaite.

Ce n’est pas non plus dans les bassins d’une ville maritime et peuplée que doivent normalement débarquer les huit cent mille têtes de bétail que nous envoient l’Algérie, la Corse, l’Espagne, la Sicile, toute l’Italie méridionale et une partie de l’Asie-Mineure. Ces animaux arrivent exténués, mourans de faim et de soif, amaigris par la fatigue et les privations d’un long voyage et sont, dans cet état misérable, expédiés vers le centre et le nord de la France. L’immense Camargue, qui fut autrefois le grand parc des Romains, n’est-elle pas là ? et le Rhône, si on veut l’utiliser, ne peut-il aujourd’hui comme aux temps anciens, féconder ces steppes incultes et les transformer en riches pâturages ? N’a-t-on pas dans le même pays et, pour ainsi dire sous la main, la réunion des trois élément indispensables de la richesse agricole, un sol vierge formé d’ail avions, de première qualité, des eaux douces et limoneuses, riches en détritus de toutes sortes, enfin le soleil le plus chaud et le climat le plus hâtif de l’Europe ? Ne peut-on pas, n’aurait-on pas dû depuis longtemps déjà employer en Camargue les mêmes procédés qui ont fait la fortune du delta du Nil depuis l’origine des temps historiques ? et n’est-ce pas une honte de ne voir dans cet immense désert fiévreux que quelques troupeaux errans de taureaux et de chevaux sauvages, alors que nous constatons la magnifique transformation agricole accomplie depuis plusieurs siècles par les