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vers le nord s’abaissaient d’elles-mêmes. Le désert d’Atacama, cessant d’être un obstacle, devenait un objet de convoitises. Ce sol aride et sablonneux, rebelle à toute culture, recelait d’immenses dépôts de salpêtre. Sous la couche de terre, dont l’épaisseur varie de quelques décimètres, on trouve un terrain de couleur claire, compact et composé en grande partie de gypse et de petites pierres que les chercheurs de salpêtre désignent sous le nom de costras (croûtes). L’épaisseur de ce terrain est de 0m,2 à 0m,4 ; sous cette croûte se trouve le salpêtre. Il se présente en couches très irrégulières dont l’épaisseur varie de 0m,1 ou 0m,2 jusqu’à plus de 2 mètres.

Quelle est sa provenance ? La présence du chlorure de sodium ou sel commun dans les salpêtrières a, tout d’abord, suggéré qu’elles étaient le résultat d’anciennes formations marines, mais, en observant avec plus d’attention, on constate l’absence de formations calcaires et de roches stratifiées ; dans aucun de ces dépôts, on ne rencontre vestige de coquillages marins. Enfin, au lieu d’occuper les parties basses du terrain, le salpêtre se trouve accumulé sur les collines et même sur des hauteurs considérables, comme aux mines de Papaso et jusqu’à sur la cordillière de Maricunga, à plus de 4,000 mètres d’altitude. Son origine est donc locale ; il s’est formé là où on le trouve. L’hypothèse la plus vraisemblable est que ce salpêtre provient de la décomposition des roches feldspathiques, très abondantes dans toute cette région et dont les élémens constitutifs, sous l’influence de l’air, se convertissent en nitrate. L’exploitation du salpêtre entreprise sur les confins du désert d’Atacama avait donné d’excellens résultats. La découverte des gisemens d’Antofagasta détermina, il y a quelques années, une véritable fièvre minière.

Antofagasta est situé dans le désert d’Atacama, qui sépare le nord du Chili des provinces sud du Pérou et de la Bolivie. Lors de la formation des républiques chilienne et bolivienne, ce territoire inculte et sans valeur servit de frontière naturelle aux deux états, frontière vague, indécise, à laquelle ni l’un ni l’autre n’attacha longtemps aucune importance, jusqu’au jour où de hardis explorateurs y découvrirent des gisemens de salpêtre et de guano. Des négociations diplomatiques entamées en 1856 traînèrent dix années. Le Chili exhibait des titres de possession prouvant que sa juridiction s’étendait jusqu’au 22e degré de latitude sud. La Bolivie réclamait jusqu’au 25e. Un péril commun amena une entente. En 1866, à l’issue de la guerre soutenue conjointement par le Chili, la Bolivie et le Pérou contre l’Espagne, on se fit de part et d’autre des concessions réciproques, et un traité signé la même année fixa au 24e degré de latitude la frontière des deux états. Toutefois il fut stipulé qu’ils