Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 46.djvu/358

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rétrécit, traçant un léger sillon entre les écroulemens pierreux des montagnes assaillies par les vents et les côtes rudes et sévères que bat incessamment la mer houleuse du pôle antarctique. Les derniers contre-forts des Andes s’abaissent, mais s’élargissent, forment les hauts plateaux de la Patagonie, couverts de hêtres, livrent passage au détroit de Magellan, puis soulevés par un suprême effort, jettent comme une sentinelle perdue à l’extrémité de l’Amérique la Terre de Feu et les assises puissantes du cap Horn. Au-delà, la région des tempêtes, les parages les plus redoutés des marins, le pôle Sud, grandissant chaque siècle, gagnant ce que perd le pôle Nord, poussant toujours plus avant ses banquises, inconnu, inexploré, menaçant dans son inabordable solitude. Parfois, au loin, par un temps clair, derrière son rempart de glaces, une lueur éclatante sillonne la mer, de sourds grondemens, des effondremens de glaciers révèlent l’existence de l’Erèbe et de la Terreur, volcans antarctiques, entrevus il y a un siècle, objets d’une terreur superstitieuse. Nulle part ailleurs l’Océan ne se montre sous un aspect plus redoutable. À cette pointe extrême du monde, l’Atlantique et le Pacifique se rencontrent et se heurtent, poussant, l’un contre l’autre, leurs vagues immenses entraînées par des courans contraires, impatientes de se frayer un passage, soulevées par les vents impétueux du pôle.

Au nord, la scène change. La frontière du Chili s’arrête au 24e degré de latitude, celui qui, dans l’hémisphère nord, correspond à la latitude de la Havane, de l’Égypte et de l’Inde. Là, sur une longueur de 100 lieues, se déroulent les plaines sablonneuses du désert d’Atacama. Des plaques blanches de cristaux nitreux alternent avec les énormes coulées de laves. Pas de végétation, un soleil ardent, un ciel d’un bleu implacable, une côte sévère. L’eau fait défaut partout. La vie animale cesse. Les cours d’eau qui arrosaient autrefois ces vastes régions sont complètement taris. Le sol onduleux se relève et s’abaisse en monticules de sables et de roches coupés par des masses plutoniennes et traversés par de nombreuses lignes de couleur sombre. Partout une nudité uniforme. De distance en distance on voit surgir du sein de la plaine de gros rochers aux formes étranges rappelant les ruines d’anciens édifices avec leurs fenêtres, leurs aiguilles hautes et fines qui contrastent avec les formes unies et arrondies des hauteurs. Ce sont des roches plutoniennes découpées, ciselées par l’action permanente du soleil et dont les parties les moins résistantes sont réduites en poussière.

Le désert d’Atacama sépare le Chili du Pérou et de la Bolivie.

De l’un à l’autre de ces points extrêmes, le Chili serpente entre les Andes et la mer. Sa superficie égale une fois et demie celle de l’Italie, celui des pays de l’Europe avec le climat, et les productions