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dogmes sont des affaires d’état. Au catéchisme officiel, qui était suspect de rationalisme, on avait entrepris d’en substituer un autre, strictement orthodoxe, et de la cour aux chaumières, tout le monde s’était ému. L’agitation avait gagné jusqu’aux chambellans. L’un d’eux déclara en sanglotant au roi George qu’il était prêt à porter sa tête sur l’échafaud pourvu qu’on n’enlevât pas à ses enfans le catéchisme de leurs pères. Le roi se trouvait alors dans le Harz, à Goslar, où l’attirait la bruyante renommée d’un empirique, appelé Lampe, qui guérissait toutes les maladies par des mixtures d’herbes de sa façon. Ce bizarre personnage, grand homme maigre, impérieux et sournois, défendait que ses patiens lui parlassent ; il ne leur était permis de s’expliquer que par gestes, et lui-même arguait par signes, comme l’Anglais que Panurge fit quinaud. Le roi avait foi dans ses oracles et se soumettait docilement à ses ordonnances, qui ne tuaient pas toujours. Les souverains autoritaires ont du goût pour les empiriques, ils aiment à humilier l’orgueil de la faculté et à guérir en dépit des règles. Le temps que lui laissait sa cure, le roi l’employait à délibérer sur l’importante affairé du catéchisme. On finit par décider qu’on ne l’imposerait à personne, qu’on l’introduirait seulement dans les paroisses qui en témoigneraient le désir ; il se trouva que personne n’en voulait entendre parler, à l’exception des théologiens qui l’avaient inventé.

Cette aventure, qui mit en liesse et en joie tout Berlin, causa la retraite de M. de Borries, dont les sages avis avaient été méprisés. Le roi ne le regretta point, il se sentait délivré de Richelieu. Il confia au comte Platen le soin de former un nouveau cabinet, et quelques années plus tard il se chargea lui-même de le disloquer, en refusant obstinément de promulguer une loi électorale qui avait été présentée de son aveu et votée par la chambre. À la dernière heure, il craignit qu’on ne le soupçonnât de faire des avances aux libéraux en abaissant le cens, il allégua ses scrupules, se buta, et quatre de ses ministres, au nombre desquels était M. Windthorst, se dessaisirent de leurs portefeuilles. Il ne chercha pas à les retenir, il s’occupa incontinent de les remplacer. Le 21 octobre 1865, il dictait à M. Meding une sorte de manifeste destiné aux journaux, par lequel il déclarait qu’il ne réglait pas sa conduite sur les vœux des partis et des majorités, qu’il ne consultait que ses propres lumières et l’intérêt de ses sujets, que ses ministres n’étaient pas à la merci des suffrages d’une assemblée, qu’ils étaient les représentans de sa royale autorité. Il s’applaudissait dans son cœur d’avoir dit son fait une fois de plus à la révolution, d’avoir écrasé la tête du serpent ; il ne songeait pas à défendre la sienne contre le bras qui allait le foudroyer. Au commencement de 1866, il reçut de toutes les provinces que le congrès de Vienne avait incorporées au Hanovre des députations empressées, auxquelles il affirma que la maison des