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pourquoi s’était-il rendu impossible, et pourquoi n’avait-il pas d’enfans ? Il n’y avait plus de possible que l’héritier de Napoléon Ier ; lui seul pouvait maintenir l’ordre en France, et il se déclarait solidaire de toutes les monarchies dans la lutte contre la révolution, il était animé comme elles d’une jalouse sollicitude pour la conservation de l’équilibre européen. Le roi George se sentit désarmé, il revint de ses préventions, il fût sous le charme. Un incident qui survint bientôt lui donna des espérances que l’événement démentit.

Le prince royal avait un précepteur français, qui s’appelait M. Blache de Montbrun. C’était un jeune homme de bonnes manières et d’opinions, légitimistes, qu’il se plaisait à afficher. Quelque temps auparavant, le comté de Chambord, ayant traversé le Hanovre, avait été reçu à la cour avec tous les honneurs royaux. Le roi fit appeler le précepteur de son fils et lui dit : « Venez, je veux vous présenter à votre roi. » Cette petite scène avait fait sensation et donné lieu à une interpellation diplomatique ; il est à présumer que dans ses rapports le ministre de France grossit un peu l’importance du bon jeune homme et le représenta à son gouvernement comme un des coryphées du parti légitimiste. Un jour, M. Blache de Montbrun se présenta chez M. Meding dans un état de vive excitation et s’empressa de lui raconter qu’il avait été mandé par dépêche à Minden, où un grand personnage, dont il avait juré de ne pas trahir le nom, lui avait remis un projet de traité entre l’empereur Napoléon III et le comte de Chambord, touchant lequel on désirait avoir l’opinion du roi de Hanovre. Ce projet portait que le comte de Chambord tiendrait désormais l’empereur Napoléon, sinon pour son successeur légitime, du moins « pour le continuateur reconnu de sa dynastie, » à l’exclusion de la famille d’Orléans, et qu’il ferait connaître sa résolution à tous les légitimistes français, ainsi qu’à toutes les cours européennes. En retour, l’empereur s’engageait à lui restituer ses biens patrimoniaux, à lui accorder le titre de majesté. royale et à lui assigner une résidence à son choix dans toute autre ville que Paris. Il s’engageait aussi à combattre l’annexion du royaume de Naples par la maison de Savoie, à maintenir le roi François II sur son trôné, à interposer également ses bons offices pour conserver aux Bourbons le duché de Parme ou pour obtenir à la famille ducale une indemnité convenable.

M. Blache affirma que le mystérieux inconnu s’était déclaré prêt au nom de l’empereur à entamer une négociation avec tout intermédiaire sérieux que pourrait choisir le roi de Hanovre ou le comte de Chambord. On chercha à lui arracher le nom qu’il avait promis de taire, il garda son secret ; mais on apprit dès le lendemain que le comte Walewski était en voyage et qu’il avait passé à Minden. Le roi George fut saisi de l’affaire, qui l’intéressa vivement ; il en donna connaissance au prince-régent de Prusse, que cette communication n’étonna