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résume bien le talent de son auteur. Dans la manière opposée, avec force empâtemens, M. Martin, débute par un grand morceau décoratif qu’il intitule : Intérieur oriental. Les étoffes et les armes qui remplissent la toile sont enveloppées dans une tonalité verdâtre assez sombre et la lumière, qui tombe brusquement sur une aiguière et sur une pièce de drap d’or, vient animer le milieu et le bas de la composition. Tout cela paraît heurté. Évidemment le jeune artiste a été préoccupé de faire, comme on dit, de la peinture qui soit de la peinture. Mais en se mettant à son point de vue et en envisageant ses tendances par leurs bons côtés, nous pensons que M. Martin peut consulter les ouvrages de MM. Delanoy, Couder et Foret, qui sont, dans ce genre, d’excellens exemples. La peinture des fleurs est aussi entrée avec exagération dans le parti-pris de la pâte. L’épaisseur, la lourdeur de la touche, y semblent vraiment systématiques ; l’exécution arrive souvent à être maçonnée. De loin, tel tableau emprunté aux serres et plates-bandes aura de l’éclat et de la fraîcheur. Mais n’est-il pas naturel de vouloir s’approcher des fleurs ? n’a-t-on pas besoin de les caresser dès yeux et de les respirer ? On s’approche, en effet ; et alors, que voit-on ? De véritables montagnes de couleur. Est-ce indispensable ? Et peindre les fleurs avec une sorte de brutalité, n’est-ce pas quelque chose qui choque l’esprit ?

Depuis soixante ans, le paysage a été exploré en tous sens, étudié avec amour. Dans ce travail, le peintre a marché du même pas que le poète lyrique. Tous deux également, ils se sont cherchés dans la nature : tous deux ils lui ont prêté leurs sentimens et ils l’ont mise de moitié dans leurs joies, dans leurs souffrances, dans leurs passions. Puis ils ont cessé de se mêler à elle ; ils l’ont aimée et admirée en dehors d’eux-mêmes, et ils ont essayé de la peindre, en témoins-fidèles, telle qu’ils pensaient la voir dans sa propre intimité. Ces différentes manières de comprendre la nature et l’art tiennent leur place au Salon, et nos paysagistes, en les exprimant, ont donné à leurs ouvrages une extrême variété. Quelques-uns, M. Wahlberg est de ce nombre, nous montrent encore le sentiment humain associé aux spectacles de la terre, de la mer et du ciel. D’autres comme H. Luigi Loir avec ses Giboulées, comme M. Denduyts avec son Dégel, ou comme M. Matifas avec son Effet de neige sur la route d’Ory-la-ville nous mettent dans la confidence de leurs impressions. Ailleurs nous voyons représentées les différentes heures du jour et de la nuit : c’est une Matinée par la rosée, de M. Gassouski ; c’est la Gelée blanche de M. H. Saintin ; c’est le Soir et le Clair de lune, de M. Billotte. MM. Mesdag et Dana traitent la marine avec la largeur d’un décor. Il y a d’excellentes vues de pays par MM. Dutzschhold,