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sous la conduite de dames inspectrices. D’un côté, on reconnaît les princes et leur suite sur les degrés du palais ; de l’autre, des fonctionnaires qui à cet endroit forment la haie. Tout respire l’ordre, l’union, la sécurité : M. J. Verhaz a fait ici acte de bon patriote en même temps que d’artiste de talent. Et que d’amour enveloppe le riant troupeau des petites écolières ! On s’arrête à analyser tous ces aimables visages, toutes ces gentilles toilettes qui sont uniformes, mais sur chacune desquelles, cependant, le goût d’une mère a laissé sa trace. L’œil même de l’étranger plonge dans les rangs comme pour y chercher son bien. Une peinture claire et simple ajoute son agrément aux autres mérites de ce charmant ouvrage. Avec les tableaux de MM. Lerolle et Verhaz, la composition héroïque de M. G. Bertrand forme, sous tous les rapports, le plus absolu contraste. Sous le titre de Patrie, le jeune artiste a représenté une scène qu’il a rendue vraisemblable à force de sentiment. En tête d’un escadron qui paraît en retraite et qui descend une pente abrupte, un officier porte-étendard qui vient d’être frappé d’une balle en pleine cuirasse tient encore entre ses bras, serre sur son cœur le drapeau dont il ne peut se séparer et pour lequel il vient de donner sa vie. À demi-mort qu’il est, ses soldats le soutiennent sur son cheval, se pressent autour de lui et ils forment, tous ensemble, un groupe compact, d’un aspect formidable et lugubre. L’impression de l’œuvre est puissante : elle vient tout entière de l’ensemble ; le détail ne compte pour ainsi dire pas. On peut reprocher à cette peinture de manquer d’air ; au point de vue de l’exécution, elle a de la lourdeur et présente partout des empâtemens considérables. Ces épaisseurs de couleur un peu excessives sont peut-être à leur place ici mieux qu’ailleurs : nous ne le discuterons pas. Mais puisque cette manière de faire est chez plusieurs artistes constituée à l’état de système, nous en parlerons en thèse générale. Comment le système des empâtemens s’est-il développé ? D’abord par esprit de réaction. Il y a bien des années déjà, la peinture renforcée et touchée du Naufrage de la Méduse apparaissait comme une protestation contre la pratique énervée de l’école classique. Ce procédé fit école à son tour. Mais il avait en quelque sorte un caractère polémique : c’était un des moyens offensifs que le romantisme mettait en avant pour défier et pour combattre les disciples de David. Cela répondait à un état des esprits bien plus qu’à une nécessité reconnue.

Cependant, si l’opinion et les mœurs influent sur les arts, il y a aussi des causes purement matérielles qui ont une part importante à leur transformation. On en arrive même à compter avec des faits qui ne sont qu’accidentels. Ainsi on ne saurait contester que l’éclairage auquel les tableaux sont soumis au Palais de