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un style excellent. Elle tire son mérite de sa simplicité même, que rehausse un grand sentiment.de l’art.

Les modernes se sont en général écartés de la tradition classique. L’impulsion vint de l’orfèvrerie, qui fut l’école des maîtres du XVe siècle. Les artistes de la seconde renaissance, qui étaient à la fois architectes, sculpteurs et peintres, mais qui étaient peintres par prédilection, laissèrent dominer partout leur sentiment pittoresque. Dans leurs mains, le bas-relief finit par embrasser tout ce qui est du domaine de la peinture. Ils multiplient les plans, font appel à l’architecture et au paysage pour concourir avec la figure humaine à la représentation des sujets ; en un mot, ils emploient tous les artifices que le peintre met en usage avec le concours de la perspective. Faut-il s’en plaindre quand on voit cette série de chefs-d’œuvre qui commence aux portes du baptistère de Florence par Ghiberti pour arriver, en passant par Donatello, à l’art prestigieux de Benvenuto Cellini et de Jean de Bologne ? On comprend qu’on hésite à se prononcer. Nous n’avons au Salon de cette année aucun ouvrage important conforme à la convention moderne ; il faut cependant citer un argent repoussé, le Retour du printemps, qui est un exemple agréable du bas-relief en pleine liberté : il fait honneur à M. Brateau. Quoi qu’il en soit, la tradition des anciens est ébranlée : l’effort fait au commencement de notre siècle pour la restaurer est épuisé. Le passé ne peut pas revivre. Nos jeunes maîtres, surtout M. Mercier ont exécuté, dans leur œuvre déjà considérable, plusieurs bas-reliefs qui montrent assez l’irrésistible mouvement qui entraîne aujourd’hui l’esprit des sculpteurs vers les erremens pittoresques.

L’art de la gravure en médailles, que les Grecs et les Romains ont traité avec une logique sévère et dans un style essentiellement abstrait, se transforme également. À propos de la restauration de M. Blondel, nous avons parlé d’un grand bronze de Tibère qui a pour revers la représentation du temple de la Concorde : le travail en est sommaire, presque grossier, sans perspective et sans air, mais clair et d’un caractère robuste. C’est ainsi que dans le style numismatique on figurait les lieux les plus célèbres et même l’acropole d’Athènes. en bien ! les modernes ont aussi introduit le pittoresque dans les médailles. Que l’on examine l’histoire métallique de Louis XIV et de Louis XV, on verra quelle variété infinie de compositions les artistes du temps ont pu réaliser tout en se soumettant aux exigences d’une technique rigoureuse. Portraits, allégories, édifices et vues perspectives, faits historiques les plus divers, tels que mariages, traités, combats sur terre et sur mer, ils ont tout abordé et tout rendu avec beaucoup de vie, avec élégance et non sans gravité. Là mieux que partout ailleurs, les modernes ont rivalisé avec les anciens.

Comme les sculpteurs, les graveurs sont aujourd’hui divisés ;