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comme on le dit, ce serait de réveiller, pour se dédommager d’une défaite de parlement, toutes ces questions de la suppression du sénat, de la révision de la constitution.

Ce qu’il y a de plus étrange, c’est que ce soient des républicains qui se montrent si prompts à saisir toutes les occasions d’aggraver les difficultés, si impatiens de tirer parti des plus simples incidens de la vie constitutionnelle pour remettre tout en doute, au risque d’ébranler la république elle-même. Ce sont, dira-t-on, les exagérés, les excentriques, les violens qui jouent leur rôle éternel d’agitateurs et d’anarchistes en cherchant à exploiter le vote du sénat. — Ce ne sont pas, en effet, nous en convenons, des modérés qui peuvent agir ainsi et trouver tout naturel de se rejeter dans les aventures à la première occasion. Malheureusement, il n’est pas toujours facile de distinguer dans ces mêlées confuses, de savoir quels sont les violens et quels sont les politiques, jusqu’où peut aller l’influence des modérés pour retenir toutes ces bruyantes impatiences qui se sont déchaînées depuis quelques jours.

Il faut cependant voir les choses simplement et avec quelque sang-froid. S’il y a un fait évident depuis quelques années, c’est que la république est arrivée à s’établir et à s’accréditer par degrés en offrant au pays le caractère et les garanties d’un régime suffisamment régulier. Elle a dû son succès à une organisation inspirée par les circonstances, à une constitution pondérée, à des pouvoirs contenus, à ce qu’elle a fait pour assurer à la France la paix extérieure et l’ordre intérieur. Elle a vécu parce qu’en somme elle a plus ou moins ressemblé à un gouvernement modéré. Admettons maintenant que cela ne suffit plus, comme on le dit, que le moment est venu de se débarrasser de ce sénat qui a des velléités d’indépendance, de réformer cette constitution qui est déjà vieille de cinq ans et de rentrer dans les vraies traditions républicaines. Fort bien ! le programme s’accomplit avec ou sans effraction ; le sénat a disparu, la constitution est révisée : que reste-t-il démontré ? C’est que les républicains, à peine livrés à eux-mêmes et en possession de la puissance, ne peuvent plus résister à leurs fantaisies d’agitations, à leurs instincts de changement, c’est que la république redevient ce qu’on a un jour appelé le perpétuel provisoire, c’est que ce régime enfin retombe plus que jamais dans cette instabilité qui lui a été si souvent reprochée. Voilà qui est clair : la confiance qu’une fixité constitutionnelle de cinq ans avait pu commencer à inspirer n’existe plus, c’est une expérience nouvelle qui commence, — qui durera à son tour ce qu’elle pourra !

Allons plus loin, si l’on veut, entrons plus au vif de la situation. Ce n’est point le sénat seulement qui est mis en cause, c’est M. le président de la république, qui, lui aussi, a été « respectueusement » placé sur la sellette. M. le président de la république est toujours