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dernier, des questions qui ne sont pas encore aujourd’hui résolues. Mirabeau n’était pas, comme le sera Condorcet, un théoricien pur, ou comme Saint-Just, un sectaire. C’était un homme d’état, traitant les questions par leur côté pratique et qui ne se payait pas de mots. Il ne lui vint pas à l’idée, quand les finances publiques étaient déjà dans un si lamentable état, de les grever encore ; franchement on ne saurait l’en blâmer.

Le rapport et le projet de Talleyrand. — Autant ce travail sur l’éducation publique est inégal et décousu, autant le rapport de Talleyrand est d’une belle ordonnance et d’une déduction rigoureuse. Il faut un certain effort pour rassembler les traits épars un peu partout de la pensée de Mirabeau. Avec Talleyrand on n’a qu’à suivre l’enchaînement des idées ; son projet n’est qu’une succession de théorèmes qui vous conduisent en droite ligne à la démonstration finale. S’il est vrai qu’il ait eu pour collaborateur Desrenaudes, on doit croire que ce spirituel et savant oratorien avait beaucoup étudié la géométrie.

L’instruction peut être considérée : soit comme un produit de la société, soit dans ses rapports avec l’avantage de la société, soit comme une source d’avantages pour les individus. C’est par cette division que débute le rapport de Talleyrand. Considérée comme un produit de la société, — nous analysons aussi fidèlement que possible, — l’instruction réclame les principes suivans :

1o Elle doit exister pour tous ; 2o elle doit être libre ; 3o elle doit être universelle quant à son objet ; 4o elle doit exister pour l’un et pour l’autre sexe ; 5o elle doit exister pour tous les âges. D’où il suit qu’il faut créer des établissemens dans toutes les parties du royaume ; abolir tout privilège exclusif ; encourager tous les genres d’enseignement ; ouvrir des écoles de filles aussi bien que des écoles de garçons, et « des institutions qui soient pour les hommes de tout âge et de tout état des sources fécondes d’instruction et de bonheur. »

Considérée dans ses rapports avec l’avantage de la société, l’instruction exige, comme principe fondamental, qu’il soit enseigné à tous les hommes : 1o à connaître la constitution de cette société ; 2o à la défendre ; 3o à la perfectionner ; 4o à se pénétrer des principes de la morale, qui sont antérieurs à toute constitution.

D’où il suit que la Déclaration des droits et les principes constitutionnels devront à l’avenir composer un nouveau catéchisme pour l’enfance ; que la jeunesse devra être formée aux carrières militaires ; que toutes les branches de l’art social (sic) seront cultivées dans la nouvelle instruction, et la morale enseignée comme une véritable science, au moyen d’un livre élémentaire.

Considérée comme une source d’avantages pour les individus,