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Au résumé, les collèges et les universités ruinés plus d’à moitié par l’abolition des dîmes et des octrois, les petites écoles fermées en grande partie par suite de la suppression des corporations, le personnel enseignant réduit dans des proportions énormes et ce qu’il en restait persécuté, livré en proie à la tyrannie des sociétés populaires et des comités de surveillance, ou au caprice des autorités locales : tel était à la fin de 1792, sans compter l’émigration, la guerre et les assignats, l’état de l’instruction publique en France. Voilà la situation en face de laquelle allait se trouver la convention. En vérité, sa tâche était bien simplifiée ; consommer la ruine des écoles en soumettant à la loi commune, c’est-à-dire à la confiscation, ceux de leurs biens qui en avaient été jusqu’alors exceptés ; puis jeter bas ces débris, témoins importuns d’un régime détesté, ces institutions barbares et gothiques, ces repaires de l’esprit monacal et féodal, universités, collèges, académies ; quoi de plus facile ! Il n’y avait pas une goutte de sang à*verser là : pas de procès, comme pour Louis XVI, à instruire ; pas d’enquête à faire, de témoignages à recueillir. La cause était entendue, gagnée d’avance : il ne restait plus qu’à rédiger l’arrêt.

La convention commença par les biens. Apparemment c’était le plus pressé. Dès les premiers temps de son existence, en mars 1793, un décret mettait à la disposition de la nation « les biens formant la dotation des collèges, des bourses et de tous les autres établissemens d’instruction publique, à l’exception de ceux jugés nécessaires pour les cours et pour l’habitation des professeurs et des élèves. » Par ce même décret, l’état prenait à sa charge le traitement des professeurs et instituteurs « sans toutefois qu’il pût excéder 1,500 livres dans les villes au-dessous de trente mille âmes et 2,000 livres dans les villes au-dessus de cette population. » Donc, les titres sur lesquels reposait depuis tant d’années la fortune des écoles étaient anéantis ; détruit aussi le riche patrimoine qu’elles tenaient de la munificence des princes, des évêques, de quelques grandes maisons, en partie même de leurs propres membres, et qu’elles avaient lentement accru. Toutes ces fondations, dues pour la plupart au sentiment chrétien, allaient se perdre dans le gouffre où tant d’autres richesses avaient déjà disparu. Mais par une compensation dont les effets devaient singulièrement se faire attendre, l’éducation de la jeunesse était placée parmi les services que la société rétribue directement : l’état devenait enseignant. Ici finit en réalité l’ancien régime scolaire. La mort peut venir à présent : l’Université de Paris elle-même n’a plus qu’un simulacre d’existence. Privée d’une de ses facultés[1], de son tribunal, réduite

  1. La faculté de théologie. Elle avait été fermée par ordre du directoire du département en mars 1791, à cause de l’adhésion de ses membres à la protestation de l’archevêque de Paris contre la constitution civile du clergé et de leur refus de prêter serment.