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insermentés, la constituante allait encore se mettre sur les bras le personnel ecclésiastique universitaire qui, malgré ses tendances jansénistes, ne pouvait manquer, dans une question de cet ordre, de régler son attitude sur celle de l’épiscopat ; non contente d’avoir enlevé le plus clair de leurs revenus aux maisons d’éducation, elle n’hésitait pas à en décimer le personnel, ou, pour parler plus précisément, à le placer entre la soumission à des décrets frappés d’anathème par le saint-père ou la révocation. C’est à cet état de misère matérielle et morale qu’en moins de deux ans et demi la révolution avait déjà réduit les écoles.

Il restait à les laïciser, pour nous servir d’un barbarisme fort à la mode aujourd’hui. Ce fut l’œuvre de la législative et des girondins, leur œuvre bien personnelle et bien propre. Le 18 août 1792, un décret rendu sur la proposition du comité d’instruction publique déclarait « détruites et supprimées toutes les corporations séculières ecclésiastiques, et généralement toutes les corporations religieuses et congrégations séculières d’hommes et de femmes, ecclésiastiques ou laïques, même celles uniquement vouées au service des hôpitaux. » Aux termes de ce même décrétées membres « employés dans l’enseignement public » étaient invités à en continuer l’exercice « à titre individuel et jusqu’à son organisation définitive, sous peine de se voir privés de la moitié de la pension qui leur aurait été accordée. »

Quant aux biens « formant la dotation des corporations, » l’article les concernant disposait que les uns seraient administrés, les autres (les immeubles réels) vendus dans la même forme et aux mêmes conditions que les autres domaines nationaux ; à l’exception des bâtimens et jardins des collèges encore ouverts en 1789, « quoique faisant partie des biens propres des congrégations supprimées. »

C’était surtout pour les collèges et les couvens qu’avait été désastreuse la constitution civile du clergé ; ce furent surtout les petites écoles qui eurent à souffrir du décret du 18 août 1792. De toutes les mesures oppressives auxquelles elles succombèrent, aucune ne pouvait leur être plus préjudiciable. Il ne suffisait pas en effet d’inviter les membres des congrégations supprimées à continuer l’exercice de leurs fonctions ; pour que cette invitation ne fût pas dérisoire, il n’eût pas fallu commencer par s’emparer des biens dont ils vivaient ; ou du moins il eût fallu, dans le même temps, mettre à la charge de l’état leur entretien. À cette condition, peut-être, un certain nombre de maîtres congréganistes, — ceux qui auraient consenti à prêter serment, — seraient demeurés à leur poste, au lieu qu’ils l’abandonnèrent tous, dès que le décret eut paru ; les petites écoles étaient déjà bien malades à ce moment ; on peut dire que ce coup les acheva.