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d’éducation soumis à l’assemblée nationale en 1789 et 1790 émanent d’eux pour la plupart : Degranthe était professeur à Louis-le-Grand ; Villiers, Paris et Daunou appartenaient à l’Oratoire, et c’est encore à l’un des membres de cette congrégation qu’il faudrait, suivant quelques personnes, attribuer la paternité du plan de Talleyrand. Quoi qu’il en soit, jamais, à aucun moment, l’action législative n’avait été soutenue par un mouvement plus clair et plus vif, et n’avait trouvé pour s’exercer sujet et terrain mieux préparés.

Qu’advint-il cependant ? En fait de réformes, on eut une destruction. Où l’opinion publique attendait une meilleure et plus large distribution des études, on n’eut plus d’études du tout, rien que le vide, le néant et, pour dissimuler ce vide, pour cacher ce néant, une succession de projets plus chimériques les uns que les autres.

C’est un triste spectacle que cette lente agonie d’institutions plusieurs fois séculaires et cependant encore pleines de vie, que l’extinction graduelle de tous ces foyers d’instruction où s’était formé pendant tant d’années le génie même de la France. Il y avait là d’immenses ressources, un fonds d’une richesse inappréciable, de fortes assises et des cadres auxquels il fallait bien se garder de toucher. La révolution n’eut pas cette sagesse ; elle ne sut ou ne voulut rien conserver du passé ; en ce point comme dans le reste, elle prétendit faire table rase, improviser des écoles, des maîtres, une méthode, comme elle improvisait des armées. Elle crut de très bonne foi qu’il lui suffirait, sur ce terrain comme sur un autre, de décréter la victoire pour la remporter. Grave erreur en un sujet où le progrès est inséparable de la tradition et où la plus vulgaire prévoyance commandait de ne rien changer d’essentiel aux fondations existantes, avant d’avoir au moins arrêté le plan et jeté les bases d’une nouvelle organisation.

Il faut remonter jusqu’aux premiers temps de l’assemblée constituante pour trouver le point de départ de toutes ces destructions. Le vandalisme n’a pas tout fait, comme on le croit généralement. Il a sa bonne part assurément de responsabilité ; mais il est juste de reconnaître que la constituante et la législative ne lui avaient guère laissé que les derniers coups à porter. Dès le principe, l’ancien régime scolaire fut profondément atteint, frappé aux sources mêmes de son existence, par l’abolition des privilèges dans la mémorable nuit du 4 août 1789. Cet acte, tout d’enthousiasme et de générosité, qui excita dans le moment une si vive admiration et qui est encore aujourd’hui si bruyamment célébré, fut peut-être un grand acte ; ce ne fut assurément pas, à le considérer froidement, un acte très politique. Aristide l’eût conseillé sans doute ; Thémistocle, — et par Thémistocle j’entends une assemblée plus rassise, plus maîtresse d’elle-même, — ne se fût