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propager jusque dans les campagnes les moyens d’une éducation suffisante à ceux qui les habitent et qui puisse s’étendre même jusqu’aux pauvres… Nous recommandons à nos députés de présenter notre vœu pour l’établissement d’une commission chargée spécialement de s’occuper de l’instruction publique. » Ainsi s’expriment les cahiers de la noblesse de Saintes. Ceux de Lyon réclament dans l’éducation de l’un et de l’autre sexe des changemens de nature à lui imprimer « un caractère national ; » ceux de Paris, « que l’éducation publique soit perfectionnée et étendue à toutes les classes de citoyens ; qu’il soit rédigé pour tout le royaume un livre élémentaire contenant sommairement les points principaux de la constitution ; que ce livre serve partout à l’éducation de la première jeunesse et que les Français apprennent en naissant à connaître et à respecter leurs lois ; » ceux de Touraine, « que, dans le moment où la France va se régénérer et où la constitution, jusqu’à présent flottante, va prendre une forme régulière,.. le droit public fasse, après la religion, la base de toutes les études ; » ceux de la Guyenne, « qu’il soit formé un plan d’éducation publique dont les principes soient analogues à la constitution nationale et que Sa Majesté soit suppliée de nommer un comité à cet effet. » Enfin ceux de Blois, « qu’il soit établi un conseil composé des gens de lettres les plus éclairés de la capitale et des provinces et de citoyens de divers ordres, pour former un plan d’éducation nationale à l’usage de toutes les classes de la société et pour rédiger des traités élémentaires. »

Un tel concert, venant des ordres privilégiés, était singulièrement significatif et dut nécessairement peser d’un grand poids sur l’assemblée nationale et sur les assemblées postérieures. Dès lors que la noblesse et le clergé s’unissaient pour réclamer une nouvelle organisation de l’instruction publique, qui s’y serait opposé ? La royauté ? elle n’avait pas assez de toutes ses forces pour résister sur les points essentiels ; c’eût été folie d’en distraire quelque chose pour défendre une position où son existence même n’était pas intéressée. D’ailleurs, n’avait-elle pas déjà laissé faire les parlement ? Leur œuvre se continuait ; qu’avait-elle à y redire ? Quant au tiers-état, son adhésion était certaine. Il était acquis d’avance aux réclamations des deux autres ordres.

La route était donc libre, et, dans cette direction au moins, la révolution n’avait à craindre et ne rencontra en réalité aucune résistance. Elle pouvait réformer tout à son aise : elle en avait le pouvoir, et personne ne lui en contestait le droit. Les universités ne se défendaient même pas ; dès le principe, il semble qu’elles aient vu leur fin prochaine et qu’elles s’y soient résignées. Les collèges firent mieux : ils secondèrent le mouvement. Les premiers projets