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nombre des indigens avec la population, la situation change un peu. Le plus misérable est alors le XIIIe avec 1 indigent sur 6.71 habitans ; viennent ensuite le XXe, avec 1 indigent sur 7.79 habitans ; le XIXe avec 1 indigent sur 9.09 habitans ; le XVe (arrondissement de Vaugirard), avec 1 indigent sur 11.43 habitans ; le XIVe (arrondissement de l’Observatoire), avec 1 indigent sur 12.29 habitans. Le XIe arrondissement, qui tout à l’heure occupait le premier rang, n’occupe plus que le sixième ; le Ve arrondissement vient le neuvième. Quant à l’arrondissement qui compte le moins de pauvres, je n’étonnerai personne en disant que c’est l’arrondissement de l’Opéra, qui ne compte que 1 indigent sur 49.08 habitans.

Pour quiconque connaît un peu la topographie de Paris, les renseignemens si sommaires que je viens de donner font apparaître un premier fait qui saute tout d’abord aux yeux, c’est que la misère tend de plus en plus à quitter le centre de Paris pour affluer à la circonférence. L’ancien Paris, celui qui ne comprenait autrefois que douze arrondissemens, est aujourd’hui environné d’une ceinture de misère qui l’enveloppe de toutes parts et qui occupe tout l’espace compris entre les anciens boulevards extérieurs et les fortifications. Il ne serait point juste de rendre uniquement responsable de ce déplacement les percemens qui ont été entrepris sous l’empire à travers les quartiers populeux de la vieille ville. Il y a dans cette tendance de la misère à se porter du centre à la circonférence un fait constant et facilement explicable par l’élévation inévitable du prix des loyers dans les quartiers commerçans ou luxueux. Mais on ne peut nier que ces percemens n’aient accéléré le mouvement un peu plus qu’il n’était désirable et que le bien qu’ils ont produit n’ait été compensé par un mal. Sans doute, lorsque l’ouvrier laborieux et aisé a fini sa journée, il est bon et sain pour lui de trouver, à quelques pas de la petite rue où il demeure, soit un boulevard bien éclairé, où il pourra se promener gaîment, soit un square planté d’arbres, où, assis sur un banc avec sa femme, il pourra surveiller les jeux de ses enfans. Mais pour celui qui aura cherché à obtenir une diminution de 50 francs sur son loyer en émigrant loin de l’endroit où il avait l’habitude de travailler, sur les hauteurs de Ménilmontant ou dans la plaine de Grenelle, pour celui-là le bien incontestable qu’a fait la transformation de Paris est singulièrement perdu. S’il est logé à moins de frais et dans des conditions plus hygiéniques, en revanche la distance qu’il a souvent à parcourir pour se rendre à son travail représente pour lui un surcroît de dépenses ou de fatigues. Un temps trop long s’est même écoulé avant qu’on songeât à mettre à sa disposition des moyens plus rapides et plus économiques de transports en créant ces lignes de tramways dont se plaignent