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un cantique composé en l’honneur du nom de Jésus. Une multitude exaltée exerce presque toujours sur une autre foule qui la contemple une attraction plus ou moins communicative. Électrisés par ce spectacle, les Romains eux-mêmes s’empressent de se joindre à la manifestation et la rendent ainsi plus imposante.

De tels détails ont leur prix et méritaient peut-être une mention parce qu’ils donnent la mesure de la popularité dont jouissait déjà la dévotion mise en cause. Du reste, l’issue du procès de 1427 fut entièrement favorable à Bernardin de Sienne, à la suite d’un débat contradictoire, la cour de Rome reconnut solennellement l’orthodoxie des pratiques recommandées par le prédicateur de Viterbe, et le culte extérieur rendu au nom de Jésus, soit seul, soit associé au nom de Marie, fit dès lors partie intégrante de la liturgie catholique.

La victoire remportée par Bernardin de Sienne sur ses adversaires fut considérée par les frères mineurs comme un triomphe de l’ordre tout entier. Le 8 juin 1427, un chapitre général se tint à Verceil, au diocèse de Casal, où l’on proclama solennellement ce triomphe. Les vicaires provinciaux, les prieurs de couvens, les simples religieux qui assistèrent au chapitre de Verceil, furent invités à user de toute leur influence afin de propager dans les diverses parties de la chrétienté la dévotion au nom de Jésus. Entraînés par l’exemple de leurs frères d’Italie, les observans cismontains se mirent aussitôt à l’œuvre pour répandre autour d’eux cette dévotion nouvelle ; et l’on s’expliquera la digression, trop longue peut-être, où nous nous sommes laissé entraîner dans les pages qui précèdent, si nous ajoutons que l’un des missionnaires qui se dévouèrent en France à la propagande franciscaine, le seul dont l’histoire ait conservé le souvenir, fut le célèbre frère Richard.


III

C’est au moment où, grâce aux actives démarches de Jean l’Aiguisé, évêque de Troyes, les prélats de la province de Sens venaient de se réunir en synode à Paris pour s’opposer à la levée d’un double décime mis par Bedford sur le clergé de France, que l’on entend parler pour la première fois de ce personnage dont les sermons ne tardèrent pas à inspirer de l’ombrage à l’administration anglaise, parce qu’on y trouvait comme un écho des sentimens qui animaient alors le haut clergé contre les envahisseurs. Prononcés du 16 avril au 10 mai 1429, ces sermons ne se rapportent pas directement à notre sujet. La libératrice d’Orléans a complètement échappé à leur influence, puisque le premier acte de sa glorieuse mission était dès lors sur le point de s’accomplir. Cependant l’épisode parisien