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incapables de donner à cette partie essentielle de la tâche des missions catholiques l’essor qu’il serait désormais nécessaire qu’on lui donnât. Peut-être la dispersion des ordres religieux en France aura-t-elle pour résultat de décider un certain nombre de franciscains français à se rendue à Jérusalem. Ce serait une heureuse infusion de sang nouveau et plus vif dans un corps qui dépérit.

Naturellement le patriarcat, qui a détrôné les franciscains, ne leur est guère favorable. Il n’est pas beaucoup plus favorable aux jésuites, aux frères de la doctrine chrétienne, aux sœurs de Saint-Joseph et de Nazareth, et en général à toutes les institutions françaises. Ce qui distingue ces institutions, c’est leur large esprit de tolérance. Musulmans, Israélites, Grecs, Arméniens, protestans, y sont admis sur un pied d’égalité parfaite. Sous prétexte d’orthodoxie, mais en réalité pour arrêter une des sources de notre influence, le patriarcat essaie souvent d’interdire l’entrée des écoles catholiques à tous les enfans qui ne sont pas catholiques. La France ne saurait permettre à aucun prix la réussite de pareilles velléités. Elle doit se servir du clergé latin, mais sans favoriser son esprit de domination, qui tournerait au profit de l’Italie. En général, les prêtres et les prélats sortis de la propagande de Rome professent pour les clergés orientaux qui ignorent le latin, qui ont conservé des rites spéciaux et des coutumes particulières, dont les curés se marient et ont une famille, un mépris peu déguisé. Ce mépris n’est pas tout à fait sans motif. Il est juste de reconnaître que la moralité des clergés orientaux laisse quelque peu à désirer, que leur avarice est profonde et qu’ils sont entièrement dépourvus, comme l’ensemble de leurs compatriotes, du sentiment de l’honneur et de la justice. Les considérations d’argent ont pour eux une importance capitale. On cite en Syrie plusieurs évêques dont l’opposition au dogme de l’infaillibilité était des plus violentes avant le concile ; ils ont pourtant voté ce dogme au concile ; pourquoi ? ils l’avouent ingénûment : parce qu’ils vivent d’aumônes venues de Rome et qu’ils avaient peur que ces aumônes disparussent s’ils obéissaient à leur conscience. Voici un trait piquant d’un évêque que je me garderai bien de désigner, même en indiquant la communauté à laquelle il appartient. Quoique possesseur d’une assez belle fortune et de superbes ornemems pontificaux, il s’était affublé en partant pour le concile du costume le plus déguenillé, le plus sale, le plus sordide. Comme on lui en exprimait de l’étonnement : « Ne voyez-vous pas, répondit-il, qu’on aura honte de moi à Rome et qu’on m’habillera de neuf aux dépens du trésor papal ? » Il avait raison : sa ruse lui a valu de nouveaux ornemens non moins beaux que ceux qu’il possédait déjà. Mais que penser d’un clergé qui peut user naïvement de pareils procédés