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président de la chambre, parlant, lui aussi, devant le monument des mobiles du Lot, a témoigné le regret que le concours d’efforts patriotiques, de bonnes volontés, de dévoûmens qui s’était manifesté pendant la guerre n’ait pas pu « se poursuivre sur le champ de bataille pacifique de la discussion, dans la recherche des progrès à accomplir, dans l’éducation, dans la question de la forme politique de gouvernement… » Fort bien ! on ne peut pas se flatter sans doute que cet accord fût facile à réaliser et à maintenir longtemps ; mais dans tous les cas le meilleur moyen d’y travailler sérieusement, d’approcher de la réalisation de cette pensée, ce serait de faire en sorte que la république ne devînt pas une domination départi, de ne pas rendre impossibles les alliances, les rapprocherons par les exclusions passionnées, par la guerre aux croyances, aux intérêts, aux situations. M. le président de la chambre, en parlant de cette union qui n’est qu’un rêve rétrospectif et en témoignant assez platoniquement le regret qu’elle n’ait pas pu devenir une réalité bienfaisante, s’écrie dans son discours de Cahors : « Ah ! que la France serait grande ! » Elle serait grande, en effet, à la condition de ne pas perdre son temps et ses forces dans de stériles conflits de partis, à la condition de ne pas mettre tout en question à la fois, comme le dit M. Gambetta, et de pouvoir suivre avec persévérance une politique de sérieuse et libérale modération dans ses affaires extérieures comme dans ses affaires intérieures.

La France d’aujourd’hui a deux sentimens également vifs. Si par ses instincts les plus profonds elle appelle, elle réclame la sécurité intérieure, elle n’est pas moins attachée à la paix extérieure, et la vivacité même de ce sentiment pacifique est une garantie de plus de la modération qu’elle doit porter dans une affaire comme cette question de Tunis qu’elle n’a point recherchée, qu’elle a dû accepter, qu’elle est tenue maintenant de conduire jusqu’à un dénouaient propre à sauvegarder ses intérêts. Ou en est-elle aujourd’hui, cette campagne à la fois diplomatique et militaire entreprise par nécessité, par une raison supérieure de sûreté ? Évidemment, rien n’est encore terminé. Les forces françaises, réunies sous le général Forgemol, continuent, dans ces régions abruptes de l’ouest de la régence, leurs opérations laborieuses, le plus souvent sans rencontrer un ennemi toujours fuyant, sans avoir eu jusqu’ici à livrer des combats bien sérieux. Elles cernent les montagnes, elles occupent les points principaux sur la côte comme dans la vallée de la Medjerda. C’est à la faveur de Ce développement militaire étendu par degrés jusqu’aux portes de Tunis que le gouvernement français a pu imposer au bey le traité de garantie qui établit, dans des conditions nouvelles, nos rapports avec la régence, et ce traité a été, il y a peu de jours, soumis aux chambres, qui se sont empressées de le ratifier. Le traité du Bardo a toute l’autorité diplomatique qu’il peut avoir. Il reste maintenant à l’exécuter, à imprimer une certaine fixité à la situation nouvelle, à