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députations, trop d’adulations, trop d’historiographes à la suite pour raconter le mémorable événement, — et qu’au bout du compte tout cela n’a pas été exempt d’un certain ridicule. On n’a pas porté M. Gambetta sur un char, et c’est bien heureux : sauf ce détail, le gala a été complet. Tenez, au milieu de toutes ces exubérances assez souvent puériles, il n’y a qu’un fait sérieux et touchant, plus touchant et plus sérieux que toutes les démonstrations. On a profité de la circonstance pour inaugurer un monument funèbre destiné à honorer les mobiles du Lot morts pendant la guerre. C’est une histoire peu connue, et cependant parmi ces braves gens de toute classe, de tout rang, appelés du soir au lendemain sous le drapeau, improvisés soldats, les actes d’intrépidité, les dévoûmens héroïques, les généreux sacrifices, n’ont pas manqué. Au pied de ce monument, élevé sur les coteaux de Cahors, un officier de l’armée territoriale a lu les états de service des mobiles du Lot ; il a raconté que ce vaillant régiment attaché à l’armée de la Loire avait pris part à quatorze combats jusqu’à la retraite du Mans, qu’il avait perdu bien près de mille hommes de son effectif, qu’il avait eu dix officiers tués et quinze blessés. Saisissant et viril témoignage de ce qu’on pouvait attendre de cette jeunesse dévouée qui, dans son inexpérience de la guerre, a su mourir, qui a reçu l’autre jour, le général Appert a eu raison de le dire, un tardif hommage ! Convenez qu’auprès de ce bulletin, les discours prononcés par M. le président de la chambre ou les discours qui lui ont été adressés pâlissent singulièrement, et qu’en songeant à ces morts obscurs, on s’intéresse un peu moins aux promenades de M. Gambetta, au récit des ovations que le grand homme en voyage a reçues des femmes du marché de Cahors !

Maintenant le président de la chambre des députés est rentré pour son repos à Paris, et ce qu’il a de mieux à faire, c’est d’oublier les banalités qui n’ont manqué à aucune fortune nouvelle pour ne se souvenir que des paroles plus sérieuses qu’il a prononcées, avec intention sans doute, qui de sa part ressemblent à un engagement. Une fois de plus il a désavoué avec énergie toute pensée de rivalité avec M. le président de la république : la sanction la plus décisive qu’il puisse donner à son langage, c’est de ne pas se prêter à ce rôle de protecteur ou d’inspirateur irresponsable du gouvernement qu’on lui fait trop souvent, de n’avoir pas l’air d’opposer pouvoir à pouvoir, présidence à présidence. M. Gambetta a chaleureusement démontré à ses compatriotes la nécessité de ne pas « mettre à la fois tout en question, » particulièrement de ne pas toucher à la constitution, de lui obéir avec fidélité : le gage le plus efficace qu’il puisse donner de sa sincérité, c’est, non-seulement de défendre cette constitution contre ce qu’il appelle des « révisions prématurées, » mais de la respecter et de la faire respecter dans son esprit, dans ses conditions essentielles, de ne pas paraître renouveler pour le sénat l’alternative de se soumettre ou de se démettre. M. le