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L'EMPEREUR ALEXANDRE III
ET LES
REFORMES POLITIQUES EN RUSSIE

Deux mois et demi seulement se sont écoulés depuis que l’empereur Alexandre III est monté sur le trône, et les curieux, qui sont toujours des impatiens et des indiscrets, se plaignent de ne pas voir clair dans son jeu ; ils ont peine à démêler ses intentions et ses projets, ils en sont réduits aux conjectures. Tous les devins politiques qui, leur astrolabe en main, avaient hâte de tirer l’horoscope du nouveau règne, ont été déçus dans leurs espérances. On s’attendait généralement à quelque grand coup de théâtre. Les uns pensaient que le nouvel empereur commencerait par octroyer à ses sujets, comme don de joyeux avènement, une constitution en bonne forme, avec un sénat, une chambre des députés, toutes les libertés possibles ou impossibles, et le reste. D’autres prétendaient que, s’inspirant des traditions de son grand-père plus que des exemples de son père, il serait, dès ses débuts, réactionnaire à outrance, qu’il recourrait aux grands moyens, qu’il prendrait la révolution à la gorge, que, pour combattre la terreur nihiliste, il frapperait la terre du pied et en ferait sortir une terreur blanche. Rien de tout cela n’est arrivé, aucun coup de théâtre ne s’est produit. Un manifeste, une circulaire, quelques changemens dans le personnel, quelques démissions de ministres, voilà, jusqu’aujourd’hui, la seule pâture qu’on ait fournie à la curiosité de l’Europe.

A la vérité, ces démissions ont paru significatives. On croyait savoir