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éclatante la science de la nature et la science de l’art, ils ont représenté les formes vivantes avec une fidélité scrupuleuse, mais aussi avec une interprétation sculpturale qui approche leurs productions des œuvres les plus fortes de l’antiquité. Ils pensaient à tout à la fois : au sujet, à la vie, à la matière qu’ils devaient animer, à l’art qui les passionnait… On peut le croire, dans un pareil état d’esprit, ils se préoccupaient peu de savoir s’ils pétrissaient habilement l’argile.

Arrivés au point où nous sommes, il nous reste à parler des bustes. Mais l’ordre de considérations qui nous entraîne et que nous devrions leur appliquer ne nous permettrait de les juger qu’à la condition de donner à notre examen un grand développement. D’ailleurs, on ne saurait en parler sans entrer dans des appréciations morales de l’ordre le plus délicat. Si l’art est, dans son essence, une représentation, c’est-à-dire une manière d’exprimer extérieurement par des formes une idée, un être intérieur, le portrait doit être un travail de méditation. Avec quelle attention ne devrait-on pas l’étudier par respect pour l’artiste et par respect pour son modèle ? Cela voudrait une monographie. Les bustes sont très nombreux au Salon, et il y en a de fort beaux. Se taire absolument en ce qui les concerne serait un déni de justice. Disons donc, et cela n’étonnera personne, disons que M. Chapu a fait revivre avec une extrême finesse la physionomie et les traits de M. Duc ; que M. Thomas a merveilleusement creusé la ressemblance de M. Abadie ; que le ciseau magistral de M. Iselin a fait du portrait de M. le docteur Michel, de Nancy, un morceau excellent ; que M. Crauk et M. Falguière traitent le portrait en maîtres, et que cette fois de jeunes artistes comme M. Alfred Lenoir et comme M. Darq marchent sur leurs traces. Nous avons encore plaisir à louer M. Franceschi pour son buste de Mme la maréchale G. et M. Carlès pour son portrait de Mme la comtesse de P. Et il faut citer aussi M. Astruc, qui a représenté M. Manet dans un bronze des mieux réussis.

On le voit, le buste n’est point en péril. Mais il est une forme de l’art qui, au Salon du moins, est négligée du public, qui n’y figure que dans une sorte de confusion, et qui appelle tout notre intérêt : nous voulons parler du bas-relief. On le comprend de deux manières très différentes. Les anciens le considéraient comme une inscription décorative ; ils voulaient qu’avant tout il fût clair et concis. Chez eux, il est traité dans un style purement conventionnel. Les modernes, au contraire, l’ont envisagé comme un tableau. Nous voulons pour cette fois le considérer dans son acception pittoresque, et nous commencerons notre compte-rendu de la peinture par quelques aperçus sur le bas-relief.


EUGENE GUILLAUME.