Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 45.djvu/672

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

recherchés, analysés et classés en 1842 par un maître de l’architecture française, aujourd’hui profondément regretté, par M. Lefuel ; et si, frappé de l’analogie de caractère qui existe entre ces débris et les restes du temple de Jupiter Stator, il s’est inspiré de ceux-ci, plutôt que des ordonnances du temple de Mars vengeur et surtout du Panthéon ? Mais ce sont là des réserves purement spéculatives. Le temple de la Concorde a été érigé par Auguste, consacré par Tibère, probablement brûlé sous Vitellius et reconstruit par Vespasien. A son tour, Constantin y a mis la main. Qu’avons-nous sous les yeux, du monument voué par Tibère ou de celui que Vespasien et Constantin ont successivement restitué ? Il est impossible de le préciser. Évidemment, plus l’auteur a voulu se rapprocher de l’état primitif et plus les renseignemens ont dû lui manquer. Ce que nous devons voir ici, c’est donc avant tout un très noble exercice. Nous sommes dans un domaine abstrait où l’artiste, avec son intuition personnelle, pouvait d’autant mieux s’établir en maître que l’histoire et que la ruine avaient moins de lumière à lui donner. Louons donc les beaux dessins de M. Blondel, qui parlent si bien à notre imagination et qui nous offrent le spectacle d’une magnificence digne de la Rome de marbre qu’avait bâtie Auguste.

En étendant ses études sur l’antiquité, M. Blondel a aussi restitué une sorte de pavillon dont on voit les restes dans la villa d’Adrien, près de Tivoli. M. Daumet s’en était occupé dans la belle restauration générale qu’il a faite de cette villa ; mais c’était sans vouloir rien affirmer, car il ne lui avait pas été permis de fouiller le sol. M. Blondel, lui, a pu profiter du déblaiement général qui en a été opéré pendant ces dernières années. Le lieu dans lequel il nous introduit, lieu de retraite et de plaisance, où tout est prévu pour qu’on y trouve la solitude et la fraîcheur, est en vérité charmant et étrange. Qu’on se figure un édifice circulaire fort à jour, entouré d’un canal plein d’eau vive et au milieu duquel il y a aussi un bassin. Un pont tournant donne accès dans ce réduit, dont la distribution est aussi des plus inattendues. Extérieurement le canal est bordé par la colonnade d’un portique dont la terrasse, destinée peut-être à porter un jardin suspendu, s’appuyait à un mur d’enceinte très élevé et très fort, qui enveloppait le pavillon et en défendait l’approche et la vue. Certes on devait être en repos dans cet asile et y respirer un air rafraîchi. Mais tant de recherche inquiète un peu la pensée. M. Blondel a fait d’après la ruine une restauration qui offre, celle-ci, tous les caractères d’une exactitude scrupuleuse. Les dessins témoignent d’un talent extraordinaire et d’un grand sentiment de l’antiquité. Chose vraiment sans précédent, le livret nous apprend que ce travail magistral n’ira point dans les collections