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représente si bien une classe de gens qu’on ne rencontre pas seulement de l’autre côté de la Manche. Walter Warton, qui ajoute à son nom celui de Raleigh parce qu’il est sonore et sent son XVIIe siècle, est un de ces candidats au succès sous toutes ses formes. Capable, avec les dehors du talent, d’être également homme de lettres, avocat ou professeur, il possède une imperturbable confiance en lui-même et une voix retentissants. Aussi s’est-il décidé pour la politique. Il a commencé par l’opposition, ce qui, tout en exigeant peu d’études, prête au développement des facultés oratoires, et, comme la carrière est encombrée, il a fini par se tourner du côté des tories pour obtenir un siège au parlement. Il meurt sans avoir entrevu la terre promise des fonctions officielles. L’auteur n’a pas l’air de le plaindre beaucoup, il a plus de goût pour les nombreux originaux dont il a peuplé les trois romans qui ont mis son nom à la mode, et le lecteur est du même avis. On trouve en effet, dans Dear Lady Disdain, dans Miss Misanthrope et dans Donna Quixote, une vive peinture d’un coin de la société anglaise négligé jusqu’ici par les romanciers de talent. Il ne s’agit ni de l’aristocratie, ni des paysans, ni du bas peuple des villes, ni de la gentry des provinces. M. Mac-Carthy se renferme dans Londres. Ce qui l’attire surtout, ce sont les êtres déclassés qui n’ont pas trouvé leur voie, qui ne la trouveront jamais peut-être, et qui, cherchant des aventures, fondant des religions, travaillant à l’émancipation de la femme, poètes méconnus, hommes d’état sans ouvrage, femmes sans occupation, mécontens de toute espèce, rêvant, mais dans un autre sens que celui de l’Écriture, de nouveaux cieux et une nouvelle terre où la justice habitera. Si les uns sont venus trop tôt dans ce monde, les autres y semblent en retard.

Le capitaine Cameron, par exemple, n’aurait-il pas dû naître dans ces temps fortunés où les gens de cœur trouvaient si facilement l’emploi de leur épée ? Condottiere égaré au milieu d’un siècle qui ne croit guère à la chevalerie, il s’est vu réduit à la nécessité de courir les deux hémisphères pour y chercher des causes à défendre. Il a combattu pour les Turcs et pour les Polonais contre les Russes, et pour les gentilshommes du Sud contre les épiciers dm Nord ; encore n’a-t-il pas obtenu partout la considération qu’il mérite. Il était brigadier-général dans l’armée confédérée, où, voyant les choses aller à la diable, il s’est mis en tête d’offrir des conseils à ce « pauvre Lee, » qui n’a pas voulu l’écouter, ce qui fait qu’il a dû donner sa démission. Comme Henri V de France n’a pas jugé à propos d’entrer en campagne pour revendiquer sa couronne, il s’en va maintenant proposer ses