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voltairiens. Il y a mieux, il applaudit à la révolution de juillet, et le fragment intitulé le Tableau d’église, qu’il fit insérer dans la Revue de Paris des derniers mois de 1830, le représente comme ayant pris au combat une part quelconque. Élevé dans le même collège que le jeune duc d’Orléans, il avait pour ce prince une affection profonde, dont il déversait l’excédent sur le roi Louis-Philippe. Pendant tout le gouvernement de juillet, il fut donc dynastique déclaré et il mit même à l’occasion ses opinions en vers. D’aucuns diront peut-être que ce fut là son tort et qu’il aurait dû être autre chose que dynastique ; mais enfin on avouera bien qu’avoir été partisan du roi Louis-Philippe n’est pas une preuve de forte inimitié contre l’esprit du siècle. Du reste, si ce fut un tort, il n’en retira ni grande gloire, ni grand profit, car les quelques manifestations poétiques qu’il fit de ses opinions furent toujours couronnées du plus complet insuccès. Le sonnet écrit après l’attentat de Meunier déplut au roi, la pièce sur la mort du duc d’Orléans, écrite un an après l’événement, ne plut pas davantage à la duchesse, de quoi, pour dire notre sentiment, nous ne sommes pas surpris, car il est certain que c’est avec une tout autre inspiration qu’il avait naguère chanté la mort de la Malibran. Alfred de Musset n’a pas écrit seulement des vers dynastiques, il en a écrit d’opposition, témoin cette pièce assez belle qu’il composa dans un accès peut-être excessif d’indignation libérale, à propos de la loi sur la presse proposée par M. Thiers en 1835, et certain camp politique doit d’autant plus tenir compte à sa mémoire de cette démonstration qu’elle fut chez lui toute désintéressée, car il ne fut jamais qu’un partisan font modéré de la liberté de la presse.

Il avait en politique non-seulement des préférences, mais des antipathies très marquées. Il détestait les exagérés de toute couleur et de tout calibre ; les violences des polémiques du journalisme avaient le don de l’exaspérer, et les doctrines humanitaires et socialistes, qui traversaient alors leur période de formation dogmatique, lui paraissaient le comble de la déraison et le partage exclusif des esprits frappés de stérilité. Ces antipathies qu’il a exprimées mainte fois et en vers et en prose le servirent mieux que ses préférences, et il n’y a pas à s’en étonner, des antipathies appelant naturellement la forme satirique, qui est celle que prend le plus volontiers la vraie poésie politique. Alfred de Musset comptait parmi ses dons une aptitude très vive pour la satire ; ce don, il dédaigna toujours de le développer, en partie parce qu’il regardait la satire comme une forme inférieure de l’art, en partie, — et cela fait hautement l’éloge de son cœur, — parce qu’il regardait la raillerie comme l’arme des méchans et qu’il était indigné des usages qu’il