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mois à mourir, il y a apparence que les affaires de Votre Majesté en eussent esté plus asseurées… » C’est tout ce que Richelieu trouve à dire sur la mort du roi de Suède ; le reste de la lettre n’est que sur des envois d’argent pressés à faire à M. de Charnacé, sur les démarches qu’il conseille de faire avec diligence auprès des états et auprès des princes allemands pour empêcher leur désunion. La mort tragique de Gustave-Adolphe ne lui arrache pas un cri, pas un soupir, pas un mot de regret. On envoya d’abord à la reine de Suède un M. Duhamel pour lui annoncer qu’on accréditerait prochainement auprès d’elle un ambassadeur extraordinaire ; Duhamel fut chargé de messages pour Oxenstierna, Horn et le duc Bernard de Saxe-Weimar. Richelieu envoya en Allemagne, comme ambassadeur extraordinaire, M. de Feuquières, maréchal de camp, et en Hollande M. de Charnacé, qui avait sa confiance particulière., Charnacé était porteur d’un projet de partage qui donnait à la France « le Hainaut, l’Artois, le Tournesis, l’Isle, Doué et Orchy, la Flandre gallicane, qui consiste en Graveline, Dunquerque, Ostende, Nieuport et le Namurois, Luxembourg, » et aux États « le Brabant, Malines, Limbourg, la Frise, la Gueldre. » M. de Brézé fut envoyé aux princes protestans, Saint-Étienne au duc de Bavière, aux princes de la ligue catholique et à l’empereur ; La Grange aux Ormes était déjà accrédité auprès de plusieurs électeurs et de diverses villes libres.

L’ambassade de Feuquières est celle qui nous intéresse le plus : Feuquières vit le chancelier Oxenstierna le 5 mars 1633 à Wurzbourg ; celui-ci désirait que la France rompît ouvertement avec l’Espagne, sans oser formuler complètement ce désir ; le cardinal préparait la guerre à l’Espagne, sans la déclarer ; il avait donné pour mission à Feuquières d’agrandir, de fortifier certains électeurs allemands dont les intérêts n’étaient pas les mêmes que ceux de la Suède ; l’ambassadeur français devait porter doucement Oxenstierna « à nous presser de rompre avec l’Espagne pour l’obliger à nous proposer des avantages à cette fin. » Les princes allemands étaient sur le point de se réunir à Heilbronn ; Feuquières s’y rendit et travailla à maintenir l’union des Suédois avec eux. Oxenstierna était le représentant fidèle de Gustave-Adolphe, il avait épousé toutes ses passions, toutes ses méfiances ; il se défiait beaucoup du cardinal de Richelieu, et la vérité historique oblige à dire qu’il avait raison. Feuquières était un négociateur très souple, très habile, et il se tira très bien des difficultés qu’il rencontra dans sa laborieuse entreprise. Ce n’était pas, en effet, chose facile que de garder un peu semé le faisceau que la main de fer de Gustave-Adolphe avait tenu pendant deux années ; la politique française avait ses visées propres, qui n’étaient point celles de la Suède. Dégagée de son roman de gloire, la politique suédoise consistait