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commencement de février ; il assiégea Kreutznach et en chassa les Espagnols, puis il retourna à Francfort avec le roi de Bohême. Tilly avait engagé les hostilités avec le maréchal de Horn, qui était entré en Franconie ; le roi de Suède alla au secours de son lieutenant, il le joignit et rallia encore Bernard de Saxe-Weimar ; Tilly battit en retraite à grandes journées et, pour empêcher l’orage de tomber sur la Bavière, il appela à son aide Gallas et Wallenstein. Le roi de Suède le suivit de près, entra dans Nuremberg, où les bourgeois lui firent don de quatre canons et de deux globes d’argent, l’un céleste, l’autre terrestre ; il arriva bientôt devant Donawerth, sur le Danube, fit une brèche dans les fortifications et se prépara à l’assaut. Le duc de Lauenbourg se retira en rompant les ponts, et le roi entra dans la ville. Ayant passé le fleuve, le roi de Suède put prendre aisément nombre de villes et alla chercher Tilly, retranché sur le Lech. Il passa le fleuve de vive force, après un combat extrêmement sanglant. Tilly fut blessé au genou par un boulet et dut être porté à Ingolstadt ; on lui tira quatre os brisés de la cuisse, mais il mourut le troisième jour.

Le roi de Suède avait passé le Lech, au milieu de ses soldats, l’épée à la main, sur le pont de bateaux qu’il avait fait jeter. Tilly loin du champ de bataille, sa victoire était complète, toutes les villes lui ouvraient leurs portes ; il fit son entrée dans Augsbourg avec une suite nombreuse de princes et d’ambassadeurs, et se reposa quelques jours dans cette ville. Augsbourg était le berceau de la foi luthérienne ; le roi y institua un conseil municipal luthérien ; les nouveaux conseillers lui prêtèrent serment, comme à leur roi légitime, et l’on frappa une médaille avec la légende Gustava et Augusta, caput religionis et regionis. Tilly avait rendu le dernier soupir en répétant : « Ratisbonne ! Ratisbonne ! » Le vieux guerrier indiquait cette place à l’électeur, comme l’ancre de salut, non-seulement de la Bavière, mais de l’empire. La mort qui frappait à soixante-treize ans le défenseur si longtemps heureux de l’empire guettait aussi le jeune prince qui avait traversé victorieusement toute l’Allemagne, et qui menaçait de tenir bientôt l’empire à merci. Le jour même où expirait Tilly, Gustave-Adolphe, monté sur un cheval blanc, s’étant trop approché des murs d’Ingolstadt, un canonnier de la ville le remarqua et d’un coup de canon emporta la croupe de son cheval. Le roi tomba tout couvert de sang et de poussière ; on le crut mort, mais il se releva et dit tranquillement à son escorte : « La poire n’est pas encore mûre. » Le moment d’après, le jeune margrave de Bade, à côté de lui, eut la tête emportée par un boulet.

M. de Saint-Étienne, agent du roi de France en Bavière, vint trouver le Suédois dans son camp devant Ingolstadt, et essaya de le