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qui ont toujours détesté de telles violences et contraintes de consciences, voulussent maintenant, se servir des armes pour l’amplification de leur religion[1]. »

Les visées du roi de Suède n’étaient pas les mêmes. Gustave-Adolphe humiliait chaque jour la ligue catholique, et Richelieu ne pouvait s’empêcher de remarquer « qu’il seroit, me semble, bien honteux qu’un ambassadeur du roy vist tous les jours despouiller un électeur, ou un prince catholique. » Gustave-Adolphe, qui ne se payait pas de mots, voulait embarquer le roi de France à l’attaque de la Bourgogne, du Luxembourg et des Flandres. Richelieu, qui cherchait à gagner du temps, disait que la coutume de la France était de ne commencer la guerre qu’au printemps, que le roi de France amenait une grosse armée, qu’il traitait avec les Hollandais ; il s’opposait fortement à ce que le roi de Suède attaquât lui-même l’Alsace, car cette province était certainement un des prix qu’il se promettait d’une campagne contre l’empire. Le père Joseph avait songé un moment à faire de mettre la ville de Heidelberg entre les mains du roi ; mais le cardinal avait barré le passage relatif à cette place dans le mémoire du père Joseph et écrit de sa main : « Ne faut point se charger de cette place, » Il ne désirait que des villes sur la rive gauche du Rhin.

Gustave-Adolphe avait tenu assez peu de compte de toutes les recommandations faites en faveur des électeurs amis de la France. Il avait toujours quelque chose à demander de son côté à Richelieu, il avait envoyé M. de Horn auprès du roi Louis XIII, à Metz, pour s’informer si le roi de France chercherait à empêcher le passage de la Moselle par les Espagnols ; il laissa expirer la trêve accordée à la ligue catholique, fit des traités avec Strasbourg, avec Ulm ; de gré ou de force, il obtenait des traités particuliers de tout le monde, promettant aux uns ce qui ne lui appartenait point, menaçant les autres, divisant les villes, les princes. Il ne pouvait pas ignorer que Richelieu, son allié, voulant détourner les armes suédoises des bords du Rhin, travaillait secrètement à réconcilier l’électeur de Saxe avec l’empire. Il savait que le roi de Danemark, bien que souverain protestant, avait aussi engagé l’électeur de Saxe à conclure la paix avec l’empereur. Gustave-Adolphe était entouré de tant de pièges et de périls que la prudence même lui commandait l’audace. Il était forcé de traiter l’Allemagne en maître, pour n’en être point honteusement chassé. Il gardait toutes ses conquêtes pour ne les point perdre toutes. Guatave-Adolphe se mit en campagne au

  1. Documens historiques relatifs à l’histoire de France, tirés des archives de la ville de Strasbourg, par M. Ant. de Kentsinger, maire de la ville de Strasbourg.