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garnisons ; il ne sut pas empêcher Gustave-Adolphe de renforcer ses armées par de nombreuses recrues. Gustave-Adolphe essaya pourtant en vain d’emporter le camp de Garz, qui lui barrait l’Oder en aval : il se jeta sur le Mecklembourg, espérant prendre Magdebourg et transporter la guerre de l’Oder sur l’Elbe. Il était pressé de divers côtés ; les princes mécontens ou dépossédés cherchaient dans le roi conquérant un allié de leurs ambitions et de leurs convoitises ; les deux ducs de Mecklembourg, le margrave de Brandebourg, élu administrateur de Magdebourg et chassé de cette ville, le duc de Lauenbourg, sollicitèrent Gustave-Adolphe. L’hiver était venu, l’armée de Conti manquait de tout, les Suédois étaient habitués au froid. Conti se démit de son commandement en faveur de Schaumbourg, et Gustave-Adolphe alla chercher ce dernier dans ses quartiers d’hiver. Il enleva d’assaut Greifenhagen le 4 janvier, et le 6 janvier, Schaumbourg, sans attendre son attaque, évacua ses troupes sur Garz et mena ses bandes en désordre vers le Midi. Gustave-Adolphe occupait donc toute la Poméranie : il était maître de l’Oder, on l’appelait dans le Mecklembourg. Il désirait vivement l’alliance du chef des luthériens allemands, de l’électeur de Saxe ; mais celui-ci se faisait prier, comme faisait aussi le beau-frère du roi de Suède, l’électeur de Brandebourg. Les seuls mots d’empire et d’empereur intimidaient encore les princes : l’électeur de Brandebourg offrit sa neutralité, et même sa médiation. Gustave-Adolphe dit qu’il avait passé le Rubicon ; aux plaintes de son beau-frère sur le traité de Stettin, qui le dépouillait de ses droits sur la Poméranie, il répondit en s’offrant à justifier sa conduite par un passage du livre de Ruth. Les comtes d’Oldenbourg et de la Frise orientale vinrent au camp suédois implorer la neutralité sans pouvoir rien obtenir ; le duc de Lauenbourg négocia ; le landgrave Guillaume de Hesse-Cassel, le premier des membres laïques du collège des princes de l’empire, criblé de dettes et à demi dépossédé de ses états, que les armées impériales occupaient, n’hésita pas longtemps : il conclut avec le roi de Suède une alliance offensive et défensive. Le landgrave promettait d’amener avec lui tous les princes protestans, toutes les villes protestantes. Toutes ces promesses laissaient le roi de Suède assez isolé, les appuis qu’on lui offrait étaient on ne peut plus précaires ; il n’avait guère ouvertement avec lui que des princes sans états. Les autres, ou servaient, ou redoutaient l’empire, ou se flattaient de pouvoir former un groupe de neutres capable de se faire respecter. Toute l’Allemagne avait l’œil sur ce gros nuage prêt à crever dans le Nord ; le roi de Suède, dans son quartier-général de Berwelde, petite ville située près de Custrin, n’était pas sans inquiétude. Il n’avait point d’hésitation, point de vains tremblemens