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péréquation entre les droits protecteurs perçus pour protéger quelques industries exceptionnelles et ceux qu’on imposerait pour protéger les denrées alimentaires d’usage général. Elle ne réclame qu’une égalité relative comportant une certaine élasticité rationnelle ; ce n’est pas elle qui dira : Pereat populus, fiat justifia ; objurgation violente du moyen âge traduite plus tard par le mot célèbre : Périssent les colonies plutôt qu’un principe ! Mais elle ne peut admettre le système qui accorde une puissante protection aux uns pendant qu’il accable les autres sous le coup d’une concurrence irrésistible.

Seulement aucune concession, aucune inégalité de traitement proposée à l’agriculture ne doit être acceptée par elle que moyennant une compensation équivalente. Si on l’exproprie de son droit ou d’une partie de son droit, on lui doit une juste et préalable indemnité selon la loi française d’expropriation. Sur ce terrain, on peut s’entendre et on peut se défendre aussi ; l’agriculture y est inattaquable en droit et en équité.

Cette théorie est indiscutable ; mais en pratique, dira-t-on, faudra-t-il aller jusqu’à un droit d’importation sur les blés parce que les tissus sont protégés ? Pourquoi non ? C’est le droit et la justice. Si vous ne le faites pas, il faut payer pour ne pas le faire. Vous ne pouvez pas établir une dérogation à la loi commune et à l’égalité sans une large compensation. Les producteurs de blé sont-ils moins intéressans et moins nombreux que les producteurs de tissus ? Mais, ajoutera-t-on, jamais une assemblée française ne votera des droits sur les blés importés. Nous n’en savons rien. Dans un article non signé du Journal des Débats, on vient nous dire que jamais une chambre française ne votera une loi qui ferait enchérir le pain. Mais les chambres françaises actuelles, comme les précédentes, ne font pas autre chose que de faire enchérir le prix du. pain quand elles s’occupent à élever de plus en plus le gigantesque édifiée de notre budget et de nos impositions.

L’impôt foncier fait monter le prix du pain, la conscription militaire aussi, les droits de mutation et de succession, même sur le passif, la loi sur les hypothèques, l’incapacité des législateurs et des ; spécialistes qui n’ont pas réussi jusqu’ici à formuler une bonne loi sur le crédit agricole, les octrois exagérés, le refus de laisser entrer en franchise certains objets de première utilité agricole, même le guano, qu’on dégrèvera à l’entrée quand il n’y en aura plus nulle part, l’impôt sur les sucres et les alcools, tout cela et bien d’autres chose » encore, sans compter la liberté de la boulangerie, font notablement renchérir le pain, et pourtant les chambres n’hésitent pas à accumuler toutes ; ces charges sur le dos des