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Cet essai malheureux n’en a pas moins eu l’inconvénient d’absorber une assez grande quantité d’eau, au détriment de la véritable oasis, qui a vu, paraît-il, diminuer notablement le nombre de ses palmiers, évalué à plus de cent mille avant notre arrivée. Ces plantations anciennes, restées aux mains des indigènes, ne commencent guère qu’à 2 kilomètres de la ville française et se prolongent vers le sud, traversées par la route de Touggourt, bordée de jardins dont les clôtures en pisé sont moins élevées que celles de Laghouat, mais dont les cultures ne m’ont pas paru beaucoup plus prospères, même celle des dattiers, qui ne sont pas plus vigoureux et ne produisent pas de fruits beaucoup meilleurs.

Les eaux d’irrigation de l’oasis étant saumâtres, à peine potables pour les Européens qui n’y sont pas habitués, peu de végétaux peuvent s’en accommoder. Aussi les légumes et les fruits sont-ils très rares à Biskra, et ceux qu’on parvient à y faire pousser à force de soins sont-ils dépourvus de saveur, ainsi qu’il arrive chez nous à ceux qu’on essaie de cultiver dans les terrains salés. Peut-être pourrait-on faire une exception en faveur de la vigne. J’ai vu dans les jardins de Biskra quelques treilles assez belles, chargées de fruits, mais encore trop loin de leur point de maturité pour qu’il m’ait été possible d’en apprécier la qualité.

La colonisation et le commerce français n’ont pas beaucoup plus d’importance à Biskra qu’à Laghouat. Deux hommes cependant, également dignes d’éloges, y ont tenté des établissemens d’un ordre très différent qui permettent de juger ce qu’on peut attendre de ce pays au point de vue agricole. Ce sont MM. Landon et Duffourg.

Le premier, possesseur d’une grande fortune dont il se plaît à faire un généreux emploi, a créé à très grands frais, entre la ville française et l’oasis indigène, un magnifique jardin d’agrément dans lequel il s’est efforcé d’acclimater tous les végétaux des pays chauds. Il n’a rien épargné à cet effet, et il serait difficile de trouver, où que ce soit, un parc tenu avec plus de soin, sans un grain de poussière sur les fleurs, une feuille morte dans les allées, une plante parasite dans les massifs. Trente jardiniers à l’année ne cessent de bêcher, arroser, ratisser à l’envi. Le résultat de tant de sacrifices n’a malheureusement pas répondu à ce qu’on pouvait en espérer. Les plantes tropicales, entretenues avec tant de luxe dans le parc Landon, sont loin d’avoir cette ampleur de formes, cette luxuriance de végétation que l’on a obtenue par exemple au Jardin d’acclimatation d’Alger, avec des frais probablement beaucoup moindres, bien que sur une plus grande surface.

C’est sans doute en partie à l’influence du climat plus chaud, mais moins égal et moins humide à Biskra qu’à Alger, qu’on doit