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Méditerranée sont-ils fort négligés. Ce n’est pas sans hésitation qu’on essaie parfois de tirer parti de ceux que l’on peut laver avec les eaux réellement douces. Il en est autrement dans le Sahara, dont le climat comporte le développement de deux espèces végétales qui résistent parfaitement à la salure du sol et des eaux. Ce sont le palmier-dattier et le cotonnier. Ce dernier malheureusement n’a pas seulement à lutter contre le sel, mais contre les dévastations des insectes, et principalement des sauterelles, qui presque toujours en rendent la culture impossible. C’est à cette cause surtout qu’on doit attribuer l’insuccès des tentatives souvent renouvelées pour propager dans les oasis la production du coton à longue soie, malgré la belle qualité des échantillons qu’on avait pu obtenir des premiers essais.

Le dattier est donc en fait le seul végétal réellement utile que puissent produire les terrains salés des oasis du Sahara. Le reste n’est qu’un accessoire dont l’importance a été fort exagérée par la plupart des voyageurs qui nous ont décrit ces îlots cultivés du désert.

Nos impressions personnelles dépendent beaucoup des conditions particulières de milieu dans lesquelles nous les éprouvons. Quand, après avoir parcouru pendant de longs jours les solitudes des steppes sans avoir vu autre chose qu’un sol rougeâtre et desséché, çà et là teinté de gris par une végétation poussiéreuse et rabougrie, — l’œil altéré de verdure comme le gosier l’est d’eau fraîche, — on rencontre fortuitement une oasis sur ses pas, on est prédisposé à la voir sous un aspect trop favorable pour l’apprécier à sa valeur réelle. La sensation qu’on éprouve est surtout déterminée par l’effet du contraste, et il est fort difficile de reproduire le tableau qu’on a sous les yeux sans en outrer les couleurs. Cette tendance à une exagération involontaire se retrouve en général dans les récits des voyageurs les plus véridiques, et bien plus encore dans les amplifications des poètes qui, brodant sur un thème facile, nous dépeignent les lieux tels que les voit leur imagination. Ce sont eux surtout qui nous ont fait la légende de l’oasis, ce paradis de fraîcheur et d’éternelle verdure, faisant pendant à la légende du désert, l’enfer brûlant de la mer des sables.

Pour mon compte, j’avais toujours eu beaucoup de peine à comprendre par avance cette végétation de fleurs et de fruits se développant le plus souvent sur des terrains salés, toujours sous la voûte ombreuse des dattiers. Chacun sait, en effet, que chez nous l’ombre est d’autant plus contraire à la végétation que le soleil est plus ardent. Sous les climats humides du Nord, on voit l’herbe des pelouses s’étendre d’elle-même en moelleux tapis de verdure dans des cours étroites ombragées d’arbres et de murs, tandis que sur le