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Ces deux modes de salure se retrouvent fréquemment dans le Sahara algérien, principalement dans sa partie centrale au voisinage du chott Mel-Guir, dans lequel viennent déboucher les grandes artères fluviales du désert. Les eaux de sources naturellement jaillissantes ou artésiennes de cette région proviennent en effet pour la plupart des eaux pluviales tombées sur les hauts plateaux des steppes algériens, recueillies dans des rivières torrentielles dont un grand nombre traversent des formations gypseuses entremêlées de couches de sel gemme qui leur donnent un degré de salure parfois assez prononcé et leur valent le nom générique d’Oued-Melah (rivière salée) si fréquent sur les hauts plateaux.

La proportion de sel contenu dans nos bonnes eaux de source, en France, s’élève rarement à plus de 20 ou 30 centigrammes par litre. En Algérie, les eaux sont réputées bonnes lorsqu’elles ne contiennent pas plus de 50 à 60 centigrammes. A Laghouat, dans la haute vallée de l’O.-Djédi, les eaux, autant que j’ai pu en juger au goût, n’en contiennent pas davantage. Mais la proportion augmente très rapidement dans les parties basses du bassin. A Biskra, les eaux citées comme des meilleures ne contiennent pas encore beaucoup plus d’un gramme de sel par litre. En allant plus au sud, dans la région de l’O.-Rir qui occupe la vallée réunie des deux grandes artères sahariennes, les eaux artésiennes qui alimentent les cultures et le plus souvent les populations, n’ont jamais moins de 4 à 5 grammes de sel par litre et parfois jusqu’à 8 grammes. Il faut y être accoutumé comme le sont les indigènes pour consommer de telles eaux, qui pour les Européens sont complètement impotables. En ce qui me concerne, il m’a été impossible de m’habituer même aux eaux de Biskra, qui, loin d’étancher ma soif, ne faisaient que l’exciter.

Pendant le peu de temps que j’ai passé dans cette oasis, parcourant chaque jour 40 ou 50 kilomètres en voiture découverte, à l’époque du solstice d’été, par des températures de 36 à 40° à l’ombre, je n’ai jamais été incommodé par la chaleur, tempérée par un vent sec et vivifiant ; mais je souffrais énormément de la soif, tout en vérifiant et jaugeant à chaque instant des sources, jaillissantes d’une limpidité parfaite, d’une fraîcheur relative des plus agréables, bien qu’elles accusassent de 26 à 28 degrés au thermomètre, mais dont le goût m’inspirait autant de répulsion que l’aurait fait l’eau de mer.


III

Il n’est aucun végétal à peu près utile qui, sous nos climats, puisse s’accommoder des conditions de sol et d’eaux d’arrosage que je viens de décrire. Aussi nos terrains salés du littoral de la