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dues aux phénomènes d’érosion et de dépôt sont depuis longtemps achevées dans les contrées sujettes à des pluies normales et régulières, qui ont acquis leur relief définitif ; tandis que dans le Sahara ce travail encore incomplet se poursuit avec toute son intensité première.

La différence est déjà très sensible entre les deux versans extrêmes du massif algérien. Sur le versant nord, les crues torrentielles des rivières alimentées par des pluies relativement fréquentes ont eu une puissance d’érosion suffisante pour entraîner les terrains meubles qui se trouvaient sur leurs parcours et encaisser profondément leur lit dans les terrains inaffouillables de la roche vive, à travers un dédale de gorges escarpées analogues à celles qui se retrouvent dans les terrains similaires de la France ou de l’Italie.

Sur le versant sud, au contraire, le phénomène d’érosion n’est encore qu’ébauché, et d’énormes formations de terrains meubles restent pendantes en terrasses élevées, faute de l’action d’un volume d’eau assez considérable pour les avoir entraînées. Une des plus intéressantes formations de ce genre que l’on pourrait citer pour type se rencontre en allant de Constantine à Biskra par Batna. Cette dernière localité se trouve au centre d’une vaste plaine ou, pour mieux dire, d’une large vallée bornée au sud comme au nord par deux rangées de collines calcaires espacées de plusieurs kilomètres. La route au-delà de Batna continue à monter avec une rampe très faible, qui est celle de la vallée, jusqu’au point culminant où l’inclinaison change de sens vers le Sahara à une altitude de 1,100 mètres au moins. Le changement de pente s’opère d’une manière si insensible, le terrain varie si peu d’aspect que, ayant à deux reprises parcouru la route en diligence, il m’a été impossible de juger à vue d’œil, à 5 kilomètres près, du point où elle cessait de monter pour commencer à descendre. Un faible sillon d’écoulement finit cependant par se creuser au centre de la vallée, s’encaissant peu à peu dans ses berges limoneuses, jusqu’au point où, distant de plus de 20 kilomètres du faîte, ce ravin s’effondre tout à coup par un saut brusque de 3 à 400 mètres à travers les talus de glaises déchiquetés d’un large entonnoir d’éboulement, dont mille ravins semblables déchirent les flancs à chaque crue, sans avoir pu nulle part s’asseoir sur la roche vive.

Comme terme de rapprochement pouvant mieux faire comprendre le caractère général de cette grande vallée à double pente qui s’étend au sud de Batna et de tant d’autres du même genre qui se retrouvent sur les versans des steppes algériens, je ne saurais mieux les comparer qu’à la large plaine du Lauraguais comprise entre Castelnaudary et Toulouse, des deux côtés du faîte de Naurouze, que franchit le canal du Midi. Au voisinage du seuil de