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pût poser les rails d’un chemin de fer, cette route nouvelle aussitôt construite, plus rapide, moins dangereuse que la route maritime, serait bientôt l’unique voie de communication entre les deux mondes ?

Ce que l’imagination seule nous permet de concevoir, la nature l’a réalisé pour nos communications avec l’Afrique centrale. Le Sahara, en effet, si aride, si désolé que nous voulions bien nous le représenter, est à tout prendre moins désert, moins dépourvu d’eau potable et des ressources de la vie animale, moins exposé aux périls des tempêtes que ne l’est une mer de même étendue. S’il est matériellement possible d’y construire et d’y exploiter un chemin de fer, — et tout indique que l’entreprise est non-seulement réalisable, mais relativement plus facile, moins coûteuse qu’elle ne le serait moyennement en tout autre pays, — il ne dépend plus que de nous de nous ouvrir un monde tout nouveau, situé à nos portes, contenant plus d’élémens de prospérité agricole et industrielle que ne pouvait en offrir l’Amérique à l’époque de sa découverte.

L’Afrique est avant tout, en effet, le pays des grandes régions équatoriales. Si nous considérons sur une mappemonde l’ensemble de notre hémisphère septentrional, nous voyons le parallèle de 11 degrés occupant le centre de la zone torride recouper en Afrique un arc continu de 70 degrés représentant 8,000 kilomètres de parcours, tandis que, franchissant les autres continens dans leurs appendices les plus étroits, il traverse à peine quelques centaines de kilomètres dans l’isthme de Panama en Amérique et la presqu’île de Malacca en Asie.

Ce n’est pas seulement par leur vaste étendue, mais par leur valeur relative et réelle gue les régions équatoriales de l’Afrique méritent de fixer notre attention. Les récits des explorateurs qui, pendant la première moitié de ce siècle, depuis Mungo-Park jusqu’au docteur Barth, ont exploré le Soudan, ceux de leurs continuateurs qui, de nos jours, ont pris à tâche de remplir jusqu’au dernier les blancs de nos cartes, ne sauraient nous laisser de doute à cet égard. Tous s’accordent à nous signaler au-delà de la ceinture des marais du littoral l’existence de vastes contrées fertiles et salubres, habitées par des populations nombreuses et robustes, plus spécialement aptes à supporter les fatigues du travail sous les climats tropicaux, vivant dans un état demi-barbare, demi-sauvage, pour le moment sans commerce, sans industrie, presque sans agriculture, mais possédant tous les élémens de sol et de travail nécessaires au développement d’une grande production industrielle et agricole, n’attendant pour les mettre en œuvre que deux choses indispensables :