Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 45.djvu/386

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gallicanisme, il montrait d’éminens docteurs, de vertueux personnages placés sous la menace permanente des persécutions, devenus comme le point de mire et la cible des « milices ultramontaines répandues dans le royaume ; » il les comparait, dans son style pittoresque, à ces figures de soldats gaulois que les Romains d’autrefois attachaient aux murs de leurs salles d’armes pour exercer les recrues des légions. « N’avons-nous pas vu, messieurs, les plus savans ecclésiastiques, les hommes les plus respectables, dont le crime était d’observer vos maximes, tous ceux enfin à qui il restoit du sang français dans les veines, dénoncés, poursuivis, enlevés, emprisonnés, demeurer toute leur vie en butte à l’inépuisable vengeance de leurs adversaires, semblables à ces images de combattans gaulois que les maîtres d’armes de l’ancienne Rome exposoient aux coups du soldat novice pour lui apprendre à frapper : Disce ferire Gallum ! Voudriez-vous donc, messieurs, vous qui pensez sur le fond comme les victimes, vous joindre à leurs bourreaux pour accabler des hommes que vous estimez ? Voudriez-vous devenir les persécuteurs des communautés séculières et régulières, paraître applaudir à l’enlèvement, à l’exil de ces personnages dont la droiture, le zèle, la fidélité méritent tant de louanges ? Voudriez-vous ratifier la dispersion, la destruction de nos facultés qui nous ont été si unies jusqu’ici pour la défense de nos maximes et le maintien des lois fondamentales de l’État ? Disce ferire Gallum ! »

Un journal de 1732 dit que le nonce du pape, dans la chaleur de ces querelles, piqué au vif des protestations du parlement, aurait demandé en italien à un prélat français son confident : « N’y a-t-il donc plus de bois en France pour faire des potences ? » Vrai ou supposé, ce mot de colère caractérise bien l’exaltation de haine réciproque où les esprits, de part et d’autre, étaient montés.

D’autres époques de cette histoire politique du parlement au XVIIIe siècle, d’autres agitations non moins violentes, et d’un intérêt plus saisissant peut-être, nous attiraient encore et nous invitaient à y pénétrer pour mettre en lumière, à l’aide de documens nouveaux, le talent et l’influence des orateurs. Nous aurions voulu observer de près les débats de l’assemblée des chambres dans les mémorables séances de 1761, où l’expulsion de la compagnie de Jésus fut décidée, ou dans la crise de 1770, lorsque le parlement, menacé à son tour, pressentait et bravait le coup d’état du chancelier Maupeou : de tels événemens n’ont pu s’accomplir, d’aussi graves résolutions n’ont pas été prises sans provoquer, sous la fiévreuse excitation du dehors, quelques éclats retentissans de passion et d’éloquence. On peut en juger par le ton des remontrances adressées au roi, par les répliques impérieuses