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royaume y répandent les opinions ultramontaines, et qu’au mépris de vos arrêts, les légendes de la bulle sont insérées dans les bréviaires ? .. Le mal croît et s’invétère tous les jours ; notre de voir est de tenter les derniers efforts. La Providence a imprimé une sorte d’autorité aux états les plus foibles et les plus impuissans. Les enfans ont l’autorité des larmes ; les malheureux et les affligés ont l’autorité des plaintes et des gémissemens. Nous avons, nous, l’autorité de notre place et du de voir qui y est attaché. Nous avons l’autorité d’une fidélité à toute épreuve, même dans les traitemens les plus durs. Nous avons l’autorité du sacrifice de notre fortune et de notre liberté ; nous avons enfin l’autorité du vrai ; oui, du vrai, messieurs, car il est clair que la bulle est le fléau de l’église et du royaume. Depuis qu’elle a paru, quel bien a-t-elle produit ? La foi en est-elle devenue plus pure, les doutes plus éclaircis, l’erreur et la vérité mieux déterminées ? A-t-elle purgé l’église des vices qui la déshonorent ? Dieu en est-il plus connu, mieux servi, mieux aimé ? L’autorité du roi, son indépendance, sa couronne sont-elles plus affermies ? Le royaume en est-il plus tranquille ? Tous les ordres, tous les corps ne sont-ils pas bouleversés ? Au reste, le roi est le maître. Il peut faire sentir comme il lui plaît son pouvoir à une compagnie dont les membres s’honorent d’être ses sujets les plus fidèles et les plus soumis ; mais il n’y a pas de traitement qui puisse les obliger à devenir les complices de tant de maux en renonçant à leur de voir le plus essentiel. Je voudrois, en mon particulier, avoir un plus grand sacrifice à faire au roi que celui d’une vie qui touche à sa fin ; mais, pénétré de douleur de voir d’un côté le plus beau fleuron de sa couronne se flétrir sur sa tête, et de l’autre la désolation du public, l’impuissance de la compagnie, ma dernière heure me paraîtroit la plus fortunée de mon existence, comme étant celle qui mettroit le sceau éternel à la fidélité que j’ai toujours gardée à mon prince et à ma patrie dans la place que j’ai l’honneur de remplir. »

À cette noble et touchante déclaration, « qui fit pleurer plusieurs de ceux qui l’entendirent, » le premier président, dévoué aux ministres, répondit qu’il avait déjà porté plus d’une fois à Versailles les remontrances dont on voulait le charger encore ; qu’en insistant on manquerait de respect au roi. L’orateur se lève de nouveau, et s’adressant au premier président : « Ne craignez rien, monsieur, parlez en notre nom, parlez haut, ne vous lassez pas de parler ; clama, ne cesses ; dites au roi sans ménagemens pour personne ce qui est de son service et de l’intérêt de l’étal. Ne savez-vous pas que le roi est environné d’une cohorte qui l’obsède et ne le quitte jamais d’un pas, qui ferme l’accès du trône à la vérité, et, selon