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discours, le développement de cette politique condamnée par l’événement, on y découvre plus de suite et d’habileté, plus de grandeur même qu’on ne lui en attribue d’ordinaire, en la jugeant à distance sur le résultat des faits accomplis. Faible, comme on l’a dit, dans l’exécution, le duc d’Orléans excellait dans la délibération. Il agissait par la parole, comme d’autres par l’intrigue ou par l’activité guerrière. Son éloquence avait grand air ; elle était, au rapport des contemporains, tout à fait digne d’une si haute naissance : relevée des grâces naturelles d’un débit plein de majesté, elle charmait et dominait les assemblées, elle était une puissance dans l’orageux gouvernement de la fronde. On y admirait un art particulier d’éclairer et d’agrandir les débats, de rendre sensibles tous les aspect d’un sujet, de résumer, en les discutant, les avis contraires, d’entraîner le vote en préparant une solution. Comme son glorieux père, Gaston avait le don de l’à-propos et de la repartie toujours prête ; seulement, ce qui, dans Henri IV, éclatait en saillies imprévues, en vivacités originales, se développait et se répandait chez lui sous la forme d’une diction à la fois abondante et mesurée. Ses portraits gravés, qu’on peut voir aux estampes de la Bibliothèque nationale, sont bien l’image parlante de son brillant esprit. Le visage est ovale ; la bouche est fine et petite, le regard intelligent et doux : voilà bien le prince éloquent, l’idole du peuple, l’arbitre des partis, tel que nous le décrivent ses contemporains et que ses discours nous le révèlent.

On trouvera dans les Mémoires de Retz ou de Guy Joly, dans les registres de l’Hôtel de Ville et dans nos journaux manuscrits, l’indication des principales circonstances où le duc d’Orléans a parlé, ainsi que l’analyse et quelques fragmens de ses discours ; la plus remarquable de ses harangues inédites fut prononcée, au commencement de la seconde fronde, contre Mazarin. Blâmant avec énergie le fatal ascendant des favoris, fondé sur l’indolence et l’incapacité des rois, il définissait, selon ses idées personnelles, l’étendue des obligations attachées au pouvoir royal, montrant à quelles conditions de vigilance, d’activité et d’humanité celui qui gouverne obtient l’amour des peuples. « Les rois, messieurs, ne sont point assis sur le throsne pour vivre dans les plaisirs de la cour ; leur condition les oblige à prendre soin eux-mesmes du gouvernement de leur royaume, à connoistre les nécessités de l’estat, à prendre des sentimens de pères pour leurs sujets et à leur donner aide et protection, comme les peuples donnent au prince la fidélité et le respect. Il n’y a point de loy qui les dispense de cette obligation ; s’ils y manquent, ils sont coupables devant Dieu. Il est grand temps de ne plus souffrir de favoris ; c’est la corruption de la cour et la