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LA
VIE ET L'OEUVRE DU CORREGE
D'APRES UN LIVRE RECENT

Le Corrège, son œuvre et sa vie, avec une introduction sur le développement de la culture italienne et sur le génie de la renaissance, par Mme Marguerite Albana Mignaty ; Paris, 1881, Fischbacher.

Le Corrège est aussi célèbre que mal connu. Quelle différence entre sa destinée et celle des trois grands chefs d’école de la renaissance italienne, Michel-Ange, Léonard de Vinci et Raphaël !

Buonarotti, malgré sa sauvagerie et son amour de la solitude, a vécu au grand jour. Né à Florence, il est protégé jeune encore par Laurent de Médicis. Appelé à Rome par Jules II, il reste pendant sa longue vie l’architecte le sculpteur, et le peintre attitré de sept papes. Après soixante ans de labeur, après avoir dépeuplé les carrières de Carrare pour en tirer je ne sais combien de géans de marbre, ce Titan-sculpteur, qui fait entrer le génie biblique dans le torse d’Hercule à grands coups de marteau, cet artiste-prophète, qui foudroie ses contemporains, les évêques et les papes eux-mêmes avec son Moïse, son Jéhovah et son Christ justicier, meurt à quatre-vingts ans, chargé de gloire et rassasié de jours, à l’ombre de Saint-Pierre. — Il a deux biographes excellens qui l’ont connu de près : l’un, Condivi, raconte sa vie par ordre du pape ; l’autre, Vasari, élève fidèle et enthousiaste, propage les idées du maître et continue son école. Son génie sublime, anguleux et tourmenté, a pour amis les lutteurs, les hommes d’action et les révoltés de tous les temps, Avec ses muscles violens, ses sombres sibylles et ses