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nues, arrondies à leurs cimes ou terminées en plateau ; plusieurs d’entre elles, à de grandes distances, portent des ruines de tours et de mosquées délabrées. Ces montagnes ne sont pas tellement serrées qu’elles ne présentent des intervalles par où l’œil va chercher d’autres perspectives ; mais ces perspectives ne laissent voir que des arrière-plans de rochers aussi arides que les premiers. » Les seuls accidens de terrain que l’on rencontre sont des éboulemens, des cascades de pierres qui tombent du sommet des montagnes. On gravit péniblement sous l’accablante chaleur ces pentes escarpées ; on les descend plus péniblement encore ; au sommet de chacune d’entre elles, on croit être au but du voyage, on cherche les murs et les tours de Jérusalem ; mais la ville sainte semble s’éloigner à mesure qu’on avance. A peine un amphithéâtre est-il franchi qu’un autre se dresse plus triste, et plus dévasté. Ce qui ajoute encore à l’aspect sévère des environs de Jérusalem, ce sont les types presque sauvages des indigènes. Quand on est habitué aux bonnes et rassurantes figures des fellahs d’Égypte, aux manières de ces braves gens, qui ne portent jamais d’autre arme qu’un bâton inoffensif, on est désagréablement surpris de ne pas rencontrer un seul homme qui ne soit décoré pour le moins d’un fusil et de deux pistolets. Les pâtres qui conduisent leurs troupeaux, les simples voyageurs qui vont d’un village à l’autre, les Bédouins qui passent en caravanes sur de superbes chameaux, sont tous armés jusqu’aux dents. Aux abords des villages, les tableaux sont plus gais. J’ai rarement vu des enfans aussi beaux que les jeunes fellahs qui entouraient ma voiture pour m’offrir de l’eau, des cannes ou des fruits, sur la route de Jérusalem. Les femmes sont blanches ; elles n’ont pas le teint jaune et bruni des Égyptiennes. Leur visage est découvert, leur costume élégant. Un long voile blanc s’enroule autour de leur tête ; elles portent des robes bleues, comme en Égypte ; seulement ces robes ne sont pas tout unies, des raies rouges et des broderies blanches y dessinent la gorge ; une différence encore plus essentielle, c’est que, tandis qu’en Égypte les robes sont de véritables chemises qui tombent directement des épaules à la cheville, en Palestine, elles sont fortement serrées à la taille par une ceinture. Je n’oserais dire que cette disposition soit heureuse. Elle fait ressortir l’énormité de certains avantages que les Égyptiennes ont le bon goût de dissimuler quelque peu sous des plis flottans.

Enfin, tout a un terme, même la traversée des montagnes de Judée. Arrivé au sommet d’une dernière pente, on apercevait presque en face de soi le mont des Oliviers, à droite la vallée de la Croix, plus à droite encore, à une grande distance, le village de Bethléem et au premier plan un fouillis de constructions modernes. C’est