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frontières tunisiennes, la mission toute scientifique conduite dans le Sahara par le colonel Flatters a été cruellement massacrée par les Touaregs. D’un autre côté, au sud de la province d’Oran, il y a eu un commencement d’insurrection, des tentatives de guerre sainte. Sur tous les points on est obligé de se tenir en garde, on n’a pu distraire du corps d’occupation de l’Algérie que quelques milliers d’hommes. Si la guerre de Tunisie se prolongeait, il n’est pas certainement impossible que le mouvement ne s’étendît et que la France ne se trouvât un jour ou l’autre en face d’une recrudescence du fanatisme musulman, prompt à saisir l’occasion, à renouveler les tentatives d’insurrection de 1871. La rapidité des coups qu’on portera vers Tunis est le meilleur moyen de détourner le danger, de décourager les agitations dans l’Algérie tout entière. C’est une question de sécurité pour nos possessions d’Afrique.

C’est aussi ce qu’il y a de mieux pour ramener à la raison le bey de Tunis, qui ne résistera pas à une prompte et vigoureuse démonstration d’autorité. Jusqu’ici le bey n’a pas pu s’accoutumer à l’idée que la France agissait cette fois sérieusement, qu’elle irait jusqu’au bout. Lorsqu’on lui a offert de joindre ses troupes aux troupes françaises pour la répression des Khroumirs, il a refusé ; il a cru pouvoir arrêter par de vaines paroles notre armée aux frontières. Il s’est tourné vers l’Europe ; il a expédié des protestations un peu partout ; il s’est adressé même à la Porte en croyant sans doute nous créer des embarras. Il a protesté sous toutes les formes et par des circulaires diplomatiques et par des envois de troupes à l’approche de nos soldats, — sans aller, il est vrai, jusqu’à la résistance par les armes. Le jour où il s’apercevra que tout est décidément sérieux, que les ruses ne servent plus à rien, qu’il n’a aucun secours à espérer, il comprendra que ce qu’il a de mieux à faire est de finir par où il aurait dû commencer, par une entente avec la France. Il en est déjà là peut-être, d’autant mieux que la démarche qu’il a tentée auprès de la Porte risque d’avoir pour lui de singulières conséquences. La Porte, en effet, aurait songé, dit-on, à envoyer Kaireddine-Pacha, dont l’arrivée à Tunis serait une menace pour le prince régnant : de telle façon, que ce malheureux bey serait allé tout simplement au-devant d’un danger de dépossession et qu’il pourrait bien encore une fois avoir besoin de la protection de la France. Une vive et prompte action peut seule encore, sous ce rapport, dénouer cet imbroglio des affaires tunisiennes.

Il y a enfin une dernière et sérieuse raison pour qu’on ne laisse ni traîner ni dévier cette entreprise nouvelle des armes françaises. Jusqu’ici cette question de Tunis n’a pas eu une importance réelle, un vrai retentissement en Europe, en ce sens qu’elle est suivie avec plus de curiosité que de préoccupation. L’Angleterre, malgré les appels qui