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commencemens d’hostilité, sur les intrigues nouées entre ce consul italien, dont on a trop parlé, et le premier ministre de la régence, si l’on s’était expliqué avec le bey et avec l’Italie elle-même de façon à être entendu, de manière à ne pas laisser un doute, une illusion sur la volonté de la France, on aurait arrêté à l’origine toutes les complications. Au lieu d’agir ainsi, on a laissé depuis deux ans les griefs et les déprédations se multiplier sur la frontière, les rivalités et les antagonismes se développer à Tunis, les influences ennemies gagner du terrain ; on a laissé se fortifier cette idée qu’on pourrait peut-être tenir la France en échec impunément ou avec la chance de trouver quelque secours extérieur. Qu’en est-il résulté ? Faute d’avoir montré depuis deux ans une vigilance suffisamment active qui aurait pu sans doute tout prévenir, on s’est trouvé conduit à une situation plus compliquée où un certain déploiement de puissance est devenu nécessaire et où cet effort tardif devient lui-même plus grave de toute façon précisément parce qu’on a laissé aux difficultés, aux influences hostiles le temps de grandir. Aujourd’hui comme en bien d’autres circonstances, ce sont nos soldats qui sont chargés de réparer les fautes de la politique. C’est le premier enseignement qui se dégage des préliminaires embarrassés de cette affaire de Tunis ; il y en a un autre d’un ordre tout militaire.

Une fois la nécessité de l’action démontrée, il n’est malheureusement pas douteux que l’expédition nouvelle a été préparée avec une incohérence qui a frappé tous les regards, tout au moins avec une certaine inexpérience dans le maniement des puissans moyens militaires dont dispose la France. Quel était le meilleur système à employer ? Valait-il mieux mobiliser un corps d’armée au complet, — ou choisir dans quelques-uns des corps des divisions tout organisées, — ou faire ce qu’on a fait, prendre un peu partout, au nord et au midi, des régimens de toutes armes avec les effectifs réduits d’un temps de paix ? Si, pour bien des raisons, on reculait devant l’extrémité d’une mobilisation qui eût été d’ailleurs hors de proportion avec la campagne qu’on entreprend, n’aurait-on pas pu suppléer à l’insuffisance des effectifs avec les classes disponibles ? Ce sont là des questions qui ont été, qui sont encore passionnément discutées. De toute façon, la formation du corps expéditionnaire a été évidemment laborieuse ; elle s’est faite par des procédés, suivant des règles dont le secret n’a pas été toujours pénétré, et puisqu’il s’agissait tout à la fois d’une campagne d’Afrique et d’une première épreuve de notre nouveau système militaire, on nous permettra une remarque. Croit-on que le gouvernement de la république aurait été en péril, que M. le ministre de la guerre lui-même eût été diminué s’il avait eu pour coopérateurs dans un conseil supérieur des hommes comme M. le maréchal Canrobert, M. le maréchal de Mac-Mahon, M. le duc d’Aumale, M. le général Bourbaki, M. le général du