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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 avril 1881.

Tandis que les membres de notre parlement jouissent sans trouble dans leurs provinces du mois de vacances qu’ils se sont libéralement et complaisamment donné, ou emploient leurs loisirs aux paisibles délibérations des conseils-généraux réunis en session de printemps ; tandis que M. le président du conseil et M. le président de la chambre des députés profitent de ce congé parlementaire pour prononcer des discours d’une éloquence équivoque devant des auditoires bénévoles, les soldats de notre armée nouvelle, rassemblés sur la côte d’Afrique, marchent pour le pays au but qui leur est assigné. La France est décidément engagée dans cette affaire de Tunis, que l’opinion suit, nous ne dirons pas avec inquiétude, ce serait trop, mais avec une certaine préoccupation légitime des conditions, des conséquences possibles d’une entreprise à laquelle les circonstances donnent un caractère assez peu défini avec une apparence de gravité. Ce n’est pas absolument la guerre, puisqu’il n’y a pas eu rupture ouverte avec le souverain de la régence, puisque notre consul-général est toujours à Tunis, et qu’enfin les chambres n’ont point été appelées à exercer leur droit constitutionnel en sanctionnant, en autorisant une déclaration officielle d’hostilité ; c’est bien pourtant quelque chose comme la guerre, puisqu’il y a eu des coups de fusil, des engagemens, des morts et des blessés, des positions occupées sans résistance, il est vrai, mais non sans protestation, puisque les troupes françaises peuvent être conduites, selon la marche des événemens, jusque sous les murs de Tunis, même peut-être dans les murs de Tunis. C’est, dans tous les cas, une affaire assez sérieuse et assez délicate pour impliquer à la fois des questions diplomatiques et des questions militaires, pour avoir nécessité un certain déploiement