Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 45.djvu/223

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conseils, » disait l’évêque de Chartres : disons plus simplement comme une dame de compagnie accréditée auprès du roi par les gens de bien d’abord, par les dévots ensuite, pour tirer ce roi de ses fâcheux désordres et lui procurer les commodités du salut. Elle eut toujours dans ce poste une modération merveilleuse : « Je ne suis pas grande, disait-elle, je suis seulement élevée. » Qu’elle eût été adroite à supplanter la Montespan, personne ne songe à le nier, et sur son manège à cette époque Saint-Simon dit le vrai. Mais, en conscience, elle travaillait alors à rapprocher le roi de la reine : la reine n’avait pas tort de lui en savoir gré. C’est d’abord sans le vouloir, et même à son insu, qu’elle donna au roi le goût d’être aimé d’elle ; et si, plus tard, elle se laissa de bonne grâce pousser par sa fortune, ce fut moins par ambition, moins par obéissance à l’église, que par désir d’entreprendre la direction d’une âme illustre. Elle fut avant tout une institutrice parfaite, zélée par vocation pour les petits devoirs de son état, j’entends par goût naturel, plus même que par piété : la séduction du roi, en dernière analyse, ne fut ni plus ni moins, pour la fondatrice de Saint-Cyr, qu’un singulier cas de haute pédagogie.

Oui, mais cette Mme de Maintenon qui est la vraie, cette manière d’abbesse laïque, n’est pas fort théâtrale. « Je lui préfère Ninon, écrivait Voltaire, mais Mme de Maintenon vaut son prix. » Mme de Maintenon vaut son prix, à présent surtout qu’on l’a tirée de la légende, mais au théâtre encore nous lui préférons Ninon. Peut-être elle pourrait devenir l’héroïne d’une sorte de comédie historique, dont je ne sache pas qu’il y ait encore d’exemple ; comédie en prose, où l’on verrait par le menu toute la vie de la cour : il y faudrait un Dumas père plus délicat et mieux instruit. Mais pour échauffer de sa passion tout un drame, comment compter sur cette raisonnable personne, qui parlait à la Fontanges de quitter une passion « comme on parle de quitter un habit ! » C’est aussi pourquoi M. François Coppée, plus prudent qu’on n’osait le croire en ces choses de théâtre, au lieu de donner dans son œuvre à Mme de Maintenon un personnage vraiment capital, ne lui a confié que l’un des principaux : Mme de Maintenon aide à soutenir l’intrigue, elle n’en porte pas tout le poids. Alors, direz-vous, pourquoi ce nom sur l’affiche ? Hé mon Dieu ! simplement parce qu’il a bon air. Une fois entré, oubliez le titre : aussi bien, vous le savez, ce n’est pas celui-là que l’auteur avait tracé le premier en tête de son manuscrit. Donnez, sans préjugé, votre attention à la pièce : vous y verrez, avec un drame plus intéressant que bien d’autres, où Mme de Maintenon tient sa place discrètement, selon sa coutume, et sans envahir la scène, vous y verrez, dis-je, la restitution d’une époque trop souvent travestie. Quelqu’un a dit que, dans Athalie, le principal personnage, c’est Dieu ; dans Madame de Maintenon, c’est la France en 1685. On ne pouvait