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Prince[1] reçut, en 1816, le premier plant d’isabelle de la Caroline du Sud, le planta à Brooklin-New-York dans le jardin de Mme Isabelle Gibbs et le répandit sous le nom d’isabelle. Cette origine est probablement la vraie ; mais on lui assigne parfois une provenance européenne qui n’expliquerait pas le goût bizarre que l’isabelle partage avec les labruscas indigènes.

Le premier vin d’isabelle fut fait chez Tugger[2], en 1840, à Hermann, et en 1859, Ainsworth, à Rochester, cite des vignobles rapportant de 1,000 à 1,500 dollars à l’acre, et Rush, East-Bloomfield, cite un tiers d’acre sur lequel cent souches produisirent 4,000 livres de raisin.

Ceci paraît invraisemblable, et le serait tout à fait à mes yeux, si je n’avais vu à Saint-Benezet un labrusca de quatre ans porter cent quinze grosses grappes tellement empilées qu’on croyait voir un tas de raisins recouvert de rares pampres, plutôt qu’une souche portant des raisins.

L’isabelle est mauvais comme vin et donne un beau, mais mauvais raisin de table ; il perd ses feuilles en août dans, beaucoup de localités. Pourtant, en 1879[3], Chorlton donne l’isabelle et le catawba comme des variétés supérieures. Il ajoute que ce sont des semis naturels : l’un de labrusca, l’autre de labrusca hybride de vulpina. Je crois comme Husmann que ces variétés reculeront jusqu’à disparaître devant les estivalis, car, d’une part, le goût foxé que les Américains acceptent, faute de mieux, leur apparaîtra un jour dans toute son horreur, comparé au goût franc des estivalis, tandis que ceux-ci feront leur chemin aux États-Unis comme en Europe. D’autre part, le labrusca ne résiste au phylloxéra que dans des circonstances exceptionnellement favorables.

Le phylloxéra est certainement indigène[4] dans l’Amérique du Nord, mais l’extension des vignobles en favorise la multiplication ; là où des vignes à raisin de table de peu d’étendue se défendaient par la solitude, si j’ose m’exprimer ainsi, de grandes étendues de vigne se font dévorer par voisinage et par infection, l’effet aggravant la cause.

Reprenons la biographie du catawba, qui a bien son intérêt, puisqu’en 1880 il figure en grosses lettres sur les annonces des négocians en vins et dans les plantations de Kelley-Island.

De plus, il est lié à une phase intéressante de l’histoire de la vigne[5].

  1. Elliot, Western fruit growers Guide ; New-York, 1867.
  2. Husmann, Culture of the native grape ; New-York, 1866.
  3. Chorlton, Grape growers Guide ; New-York, 1879.
  4. Lettre de M. Riley, du 12 février 1881, à M. Morlot, Fayl-Billot (Haute-Marne.)
  5. Husmann.