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Un grand prix a été offert en France au chimiste qui découvrirait un procédé sûr dans des conditions de prix abordables ; personne encore n’a pu le mériter, et quand même le remède serait trouvé, pourrait-on l’appliquer à une surface de 100 acres sur une profondeur de 4 pieds ? et « où prendre tout l’argent nécessaire ? .. J’ai vu de mes yeux le phylloxera ramper sur ses victimes sans égard pour jeunesse ou vieillesse, faiblesse ou vigueur. Toute vigne de race asiatique, vitis vinifera, c’est-à-dire toute vigne importée d’Europe doit fatalement succomber sous les piqûres répétées de ces myriades d’insectes, piqûres dont la conséquence est la pourriture des racines. Les fumures ne les préservent nullement. La dévastation s’étend sans s’arrêter ni devant le sol riche, ni devant le plus pauvre ; forts et faibles périssent également. En trois années, la ruine est consommée. La première année est marquée seulement par la couleur jaune des feuilles, la seconde, les sarmens deviennent courts et droits, de longs et arrondis qu’ils étaient ; la troisième année, tout est perdu : on croirait voir de vieux troncs de saules. Les Français semblent avoir tourné la difficulté : ne pouvant se débarrasser de l’ennemi, ils essaient de vivre avec lui et de planter les vignes résistantes des bords du Missouri. Suivant leur exemple, j’ai planté deux variétés blanches de riparias cultivés, l’elvira et le taylor, plus une variété rouge sauvage de la même espèce, le cordifolia, qui leur est préféré jusqu’à ce jour ; j’en ai greffé les boutures avec des gutedel, riesling, zinfandel, etc., et je les vois pousser avec leurs greffes tout aussi bien qu’autrefois nos vieilles vignes, ainsi que celles mises à enraciner en pépinière.

« Mon expérience personnelle ne va pas plus loin, mais j’ai pleine confiance dans cette manière de sortir de peine, encouragé par le succès des Français relaté par Wetmore dans l’Alta et aussi par les expériences microscopiques de Hecker de Belleville, qui déclare les fibres de riparias trop dures pour pouvoir être endommagées sérieusement par la trompe du phylloxéra. Le catawba, l’isabelle et autres variétés sont progressivement abandonnés, probablement comme douteuses.

« Il y a dans ce qui précède des motifs suffisants pour employer les variétés résistantes pour de nouvelles plantations. Je ne puis voir sans étonnement ceux qui continuent à croire à la vigne asiatique jusqu’à en planter de nouvelles, les sachant entourées de leur innombrables et implacables ennemis : ceux-là attendent sans doute quelque événement imprévu, défavorable au phylloxéra ; mais nous qui sommes las et surchargés de vignes mourantes, ne partageons pas leur illusion, de crainte qu’une hypothèque fatale, prise par l’ennemi, ne tarisse notre fortune dans sa source.

« Voici le procédé que j’emploie. Je greffe soigneusement une