Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 45.djvu/161

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et la mer était pacifié et enrichi, Des routes s’ouvraient à l’intérieur et venaient se relier à la grande voie Aurélienne qui longeait le littoral. Les colonies grecques échelonnées sur la côte, depuis l’Espagne jusqu’à l’Italie, reconnaissaient toutes l’autorité romaine ; quelques-unes même recevaient le titre d’alliées, fœderatœ. La flotte impériale avait son port d’attache à Fréjus, qui était, avec Misène et Ravenne, l’un des trois grands ports militaires de l’empire dans la Méditerranée.

Tacite raconte que toute la zone littorale était habitée, par des familles patriciennes qui ne le cédaient en rien aux plus opulentes de Rome ; on y retrouvait les mêmes mœurs, les mêmes cultures, les mêmes raffinemens de luxe que dans la Campanie et sur les côtes fortunées de Sorrente et de Baïa. Au dire de Pline, c’était plutôt une seconde Italie qu’un pays de conquête. On l’appelait la Province par excellence, Provincia, et depuis dix-huit siècles elle a conservé ce nom de choix. C’est la Provence moderne.

Après Narbonne, dont l’influence, commerciale commençait à décliner, Arles tenait le premier rang. Les débris grandioses de ses monumens attestent son opulence passée. Son amphithéâtre, qui était, après le Colisée, l’un des plus vastes du monde, est encore dans un tel état de conservation, qu’on l’utilise fréquemment, comme celui de Nîmes, pour des représentations publiques. Son théâtre, dont il reste des débris d’une extrême élégance permettant de reconstituer avec la plus grande précision, toutes les parties de l’édifice, avait été construit par des artistes grecs. Détruit à la suite des émeutes populaires qui accompagnèrent l’introduction officielle du christianisme dans les Gaules, il a gardé presque intacts sous ses décombres des marbres précieux que le. Louvre et le musée d’Arles ont recueillis, et que l’on place au premier rang parmi les chefs-d’œuvre de la statuaire antique. Sur les côtés de la place centrale de la ville, qui était le forum de l’ancienne cité et, que l’on appelle encore aujourd’hui la « place des hommes, » on voit se profiler quelques colonnes corinthiennes ; elles ont appartenu aux péristyles de ces anciennes galeries du forum qui servaient de lieu de réunion presque permanente et de promenoirs aux colons, aux hommes publics, et surtout aux rhéteurs et aux oisifs. Au centre de la place de l’Hôtel-de-Ville et vis-à-vis la merveilleuse église de Saint-Trophime, dont le portail et le cloître sont un des joyaux de l’art roman dans le midi de la France, se dresse un obélisque, assez ridiculement couronné par le soleil de : Louis XIV ; cet obélisque avait été apporté d’Égypte comme tous ceux, de Rome et ornait la spina du cirque où l’on faisait courir les chars et les chevaux et qui avait été construit, sur les bords du Rhône, à l’endroit où se trouve la prise d’eau, du canal de navigation d’Arles à Bouc, à côté