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C’est le 1er septembre de l’année dernière qu’à Saint-Pétersbourg commencèrent les nouveaux pourparlers. Indépendamment du marquis de Tseng, secondé par notre éminent compatriote, M. Prosper Giquel, les personnages dont les noms suivent y prirent part : MM. Giers, baron Jomini, général Milutine, Abaza et son excellence Butzof, ambassadeur de Russie à Pékin. Des deux côtés on chercha de bonne foi une solution pacifique à la question du Kouldja. Si la Chine avait légèrement conscience de son infériorité militaire, la Russie, de son côté, n’oubliait pas que son trésor ne souffrait pas d’une pléthore, que les dernières convulsions de la question d’Orient nécessitaient sa surveillance et qu’enfin elle avait déjà une guerre fort ennuyeuse à soutenir contre les Tekke Turcomans. Une des premières conditions imposées à la Chine fut celle de mettre en liberté l’ex-ambassadeur Chung-How. A cela point de refus, et l’on nous saura certainement gré d’avoir fait connaître en quels termes la Chine a noblement pardonné. Voici la traduction du décret impérial :

« Chung-How, envoyé par nous en Russie en qualité d’ambassadeur, ayant violé nos instructions, accepté des clauses impraticables et outre-passé ses pouvoirs, nos hauts fonctionnaires d’état réunis en conseil, après délibération, décidèrent que Chung-How serait décapité à la fin de l’automne de la présente année en punition de ses fautes.

« Mais maintenant nous apprenons qu’en dehors du palais cette sentence est très discutée et qu’elle est considérée par beaucoup de personnes comme une offense faite par la Chine à la dignité de la Russie. Le trône impérial est bien loin d’avoir jamais eu cette intention. La Chine, depuis deux cents ans, vit sur un pied de paix avec la Russie ; c’est certainement notre désir que cette paix continue jusqu’à la fin des temps et que rien ne vienne rompre les relations amicales qui règnent entre les deux puissances.

« Chung-How devait agir selon nos instructions et, comme ambassadeur, porter tous ses soins dans ses négociations avec la Russie ; à la légère, il a donné son assentiment à des stipulations que la Chine est hors d’état de remplir. Cette conduite coupable appelait sur lui un châtiment. Dès lors, le trône impérial avait dû se conformer aux usages, et c’est pour cela qu’il maintient qu’en condamnant Chung-How à la peine de mort, il n’avait fait qu’appliquer la loi qui frappe en pareil cas tout ambassadeur chinois. Il ne peut dès lors y avoir dans cette application de la loi rien d’offensant pour la Russie. Mais comme la sentence prononcée contre Chung-How doit être connue à de longues distances, nous craignons que les faisons qui motivèrent cette mesure ne soient dénaturées en passant