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on peut voir exposées toutes sortes de friperies. Le quartier chinois est le plus curieux et le plus animé. C’est un coin de la Chine au Kouldja.

Dans la campagne, çà et là, quelques villages cherchent à se reformer ; ils réussiront à se relever entièrement, s’il y a stabilité et sécurité pour les habitans. Il faut, pour cela, que les Russes, avant de rentrer chez eux, imposent au gouvernement chinois l’obligation sévère de ne pas tourmenter la population musulmane, soit en raison de son ancienne révolte, soit pour cause de religion. Les Chinois sont tolérans en toute chose plus qu’on ne le croit en général, et s’ils ont quelquefois inquiété nos missionnaires, c’est parce que ceux-ci les troublaient hors de raison dans leur foi et dans leurs usages. Dès que les apôtres modernes se sont sentis moins soutenus par notre gouvernement, leur zèle s’est modéré, et personne en ce moment ne songe plus à les martyriser. Il sera donc peu difficile aux musulmans de pratiquer ouvertement leur religion. Ce qui sera moins aisé à obtenir, ce sera la promesse des mandarins de ne plus poursuivre les familles mahométanes qui de loin ou de près se trouvèrent mêlées aux derniers troubles. Mais la Russie, assure-t-on, a non-seulement demandé pour elles et d’une façon absolue un pardon complet, mais encore une parcelle de territoire où elles puissent se réfugier.

La population musulmane est assez considérable pour que l’on s’y intéresse. Au Kouldja seulement, on compte quarante mille Taranchis professant la religion de Mahomet, ainsi que dix mille Dounganes et cinq mille Siboes ou Chinois. Les Taranchis sont sédentaires. Les Kirghises, les Kalmouks et les Torgouts, au nombre de soixante-quinze mille environ, représentent la partie flottante ou plutôt nomade. Ils adorent Bouddha. On y voit aussi des Solons, des Daours, des Mantchous, des Juifs, des Afghans, des Indous et des Sartes.

Les Taranchis et les Dounganes, si l’on s’en souvient, furent conduits de force par les Chinois en Dzungarie, il y a plus d’un siècle et demi, pour repeupler le pays. Les premiers sont d’une race turco-tartare, mélangée de sang aryen et provenant de provinces situées à l’est du Turkestan. Ils sont essentiellement agriculteurs, et le mot taranchis n’a pas d’autre signification. Ils forment la partie la plus importante de la population du Kouldja ; on les trouve sur la rive droite de l’Ili, ainsi que sur les bords de la rivière Kash. Les Taranchis parlent le turc oriental et sont de fervens musulmans.

Les Dounganes passent pour descendre des anciens Ouigours qui habitaient autrefois les provinces ouest de la Chine, et qui avaient